Le conservatisme jouit en France d’une réputation exécrable, que nous avons déjà étudiée dans une précédente critique positive, dédiée à l’essai Conservateur, soyez fiers !, de Guillaume Perrault. Il est affecté de deux tares : d’abord, son assimilation au néoconservatisme américain, belliqueux et ultracapitaliste ; ensuite, son association à l’immobilisme. Il serait en quelque sorte « l’idéocratie des droits acquis », comme l’écrit l’ancien énarque Jean-Philippe Vincent, auteur de Qu’est-ce que le conservatisme ?, paru en 2016. Un obstacle à toute réforme. La réalité est pourtant bien différente. Le conservatisme est naturellement constitué d’un corpus d’idées, qui sont amplement présentées dans l’essai, mais s’il a su perdurer depuis Aristote, ou au plus tard Cicéron, et sous diverses formes, comme l’augustinisme et le thomisme, c’est qu’il sait aller de l’avant… et surtout qu’il n’est pas qu’une idéologie : il se double de ce qu’on peut appeler un « style de pensée », raison pour laquelle on le confond souvent avec le traditionalisme et l’immobilisme. Ce corpus d’idées se mêle d’« habitudes » qu’un des fondateurs de la sociologie moderne, Karl Mannheim, nomme « intentions de base », la première étant de maintenir les conditions du vivre-ensemble… en s’inscrivant dans la continuité. Il n’a pas de finalité en vue, car il se fonde moins sur des fins que sur des procédures, comme la démocratie pure, ou la common law britannique.
Félix Croissant, pour le SOCLE
La critique positive de Qu'est-ce que le conservatisme ? au format .pdf.