"Aucune [des parties des ouvrages des Grecs] ne représente une chose impropre : toutes sont fondées sur la Nature, dont jamais ils ne s'écartent ; jamais ils n'ont approuvé ce dont la raison et la vérité ne pouvait soutenir l'explication. C'est d'après ces principes qu'ils ont établi pour chaque ordre les proportions qu'ils nous ont laissé."
Marcus Vitruvius Pollion, dit Vitruve, est l'auteur du plus ancien traité d'architecture nous étant parvenu. Architecte lui-même et partisan du classicisme le plus pur, il devint, à partir de la Renaissance, la plus haute autorité en ce domaine. L'adjectif vitruvienne désignant une architecture classique exempte d'erreurs. Le De Architectura, publié un quart de siècle avant notre ère, expose avec clarté et précision les lois proportionnelles et ornementales permettant de bâtir en accord avec la nature, la raison et la beauté. Il restera le seul manuel d'architecture connu avant la publication, en 1485, soit mil cinq cents ans plus tard, du De Re Aedificatoria d'Alberti, qui d'ailleurs appelle au respect des règles vitruviennes dans une renaissance des arts antiques.
Gaspard Valènt, pour le SOCLE
Entre ces deux dates, à peine peut-on citer, au début du IIIe siècle, un ouvrage technique sur l'architecture privée publié par Marcus Cetius Faventinus, compilation de textes écrits par d'autres, et surtout par Vitruve. Deux siècles plus tard, le préfet païen et propriétaire terrien Palladius publie le De Re Rustica, traité d'agriculture en quatorze livres s'attardant sur l'architecture rurale, de manière d'ailleurs fort intéressante. Néanmoins, aucun de ces ouvrages n'expose de règles esthétiques, tous deux s'inscrivant dans l'architecture classique dont Vitruve a exposé les règles quelques siècles auparavant. Le seul ouvrage de réelle importance sur l'architecture situé entre ceux de Vitruve et d'Alberti est le Peri ktismatôn, publié au milieu du VIe siècle par Procope, dont la première réédition moderne date de la décennie 1530. Nulle grammaire, nulle règle précise, nul système de proportion n'y sont dévoilés, seulement un appel enthousiaste à une architecture sublime, grandiose et frappant d'effroi pour la plus grande gloire de Dieu. Y sont exaltées les réalisations constantinopolitaines de l'empereur Justinien, et notamment Sainte-Sophie. Mais nous ne sommes déjà plus dans la même période civilisationnelle, et cet ouvrage marque à la fois la fin de l'Antiquité en tant que dernier traité architectural avant la Renaissance, et le début du Moyen Age en tant que manuel d'architecture byzantine et annonce de l'architecture gothique.
Lors des troubles qui secouèrent l'Europe et causèrent la fin de l'Empire romain d'Occident, de nombreux ouvrages ne survécurent que dans la relative quiétude des monastères des îles celtiques. C'est de Grande-Bretagne que le bienheureux Alcuin rapporta, pour l'empereur Charlemagne, une copie du De Architectura à Aix-la-Chapelle, alors capitale de l'Empire d'Occident. Vitruve inspirant alors la renaissance carolingienne.
Massif occidental de l'abbaye de Corvey, en Westphalie, construit de 873 à 885 et orné de scènes tirées de l'Odyssée.
Au milieu du XIVe, Pétrarque en trouve une copie qu'il annote et que l'on retrouve à l'Université d'Oxford. L'ouvrage circule alors chez les humanistes, Boccace et le Pogge possèdent leur exemplaire. La première version imprimée est réalisée à Rome en 1486, les éditions se succédant alors, mais ce n'est qu'en 1511 que paraît la première illustrée, à Venise, par Giovanni Giocondo, architecte, notamment, du pont Notre-Dame de Paris et du Fontego dei Tedeschi de Venise. Dix ans plus tard paraît la première édition en langue vulgaire, à Côme, par Cesario Cesariano. L'ouvrage est traduit en français en 1547, illustré par Jean Goujon, sculpteur du Louvre, du château d'Anet et de celui de Chenonceau ; en allemand l'année suivante, dans d’autres langues européennes les années suivantes. Dès la seconde moitié du XVIe, tout architecte digne de ce nom se doit d'en connaître et d'en respecter les règles s'il veut se faire reconnaître comme tenant de la "bonne architecture". En 1556, l'ouvrage est illustré à Venise par l'architecte Palladio. Cette prestigieuse édition, rapportée par Inigo Jones en Angleterre, lancera le style palladien qui dominera l'île du XVII au XIXe s. C'est d'ailleurs ce même Inigo Jones qui fera paraître la première traduction de l'ouvrage en anglais, toujours à Venise en 1624. Un demi-siècle plus tard, en pleine querelle des Anciens et des Modernes, Claude Perrault donne sa propre traduction de l'ouvrage, qu'il illustre de dessins copiés sur les ruines de Rome. Si les architectes les plus érudits maîtrisent le latin, ces traductions témoignent de la diffusion des règles vitruviennes dans l'ensemble des constructions européennes. Le classicisme supplante alors le gothique en devenant, à son tour, un art continental, parlé de l'Irlande à la Russie, de l'Espagne à la Scandinavie.
De Architectura est divisé en dix Livres. Le premier est dédié à la philosophie de l'architecture, le deuxième aux matériaux naturels et à leur emploi, le troisième aux temples des dieux immortels, le quatrième aux ordres, le cinquième à l'architecture publique, le sixième à l'architecture privée, le septième aux décors intérieurs, le huitième à l'hydraulique, le neuvième à l'horlogerie, le dixième aux machines. L'ouvrage descendant ainsi du général au particulier. La philosophie, empreinte de stoïcisme, exposée dans le premier Livre sert de socle au reste de l'œuvre. La Nature vient ensuite, elle qui donne à l'architecture tant ses matériaux que ses règles de beauté. Viennent ensuite, en ordre d'importance, les destinataires de l'architecture : les dieux immortels, en deux livres, la société et enfin les particuliers. En dernier viennent les considérations techniques plus prosaïques, jusqu'à l'ingénierie militaire. Seuls les trois derniers livres sont relatifs et appelés à être modifiés par le progrès. Qu'on nous excuse de ne les avoir point commentés, s'ils intéressent l'histoire des techniques, ils ne regardent pas les règles du Beau Idéal que nous nous sommes proposé d'étudier à la lecture de cet ouvrage.
La vie de Vitruve est mal connue. On sait qu'il était militaire, qu'il servit en Gaule, en Espagne et en Grèce, avant de se consacrer au développement des machines militaires. Il devint ensuite architecte et construisit, notamment, la basilique de Fano, aujourd'hui disparue. C'est au soir de sa vie qu'il compila son immense savoir dans cet ouvrage que nous commenterons en deux parties. La première sera consacrée à l'architecture en général ; la seconde à ses règles.
Un stoïcisme architectural
Télamon du palais Davia Bargellini de Bologne, sculpté dans la première moitié du XVIIe par Francesco Agnesini et Gabriele Brunelli.
L'ouvrage commence par l'affirmation que l'architecte doit maîtriser tant la théorie que la pratique. Ne sont pas architectes l'érudit dont la main n'a jamais touché la pierre, ni l'ouvrier n'ayant jamais touché de livre. Pour ce qui est de la théorie, l'architecte se doit d'avoir des connaissances, au moins superficielles, en rédaction, pour ses mémoires ; en dessin, pour ses plans et ses élévations ; en géométrie ; en optique, afin de disposer l'édifice sous de bons jours ; en arithmétique ; en histoire, pour connaître les hauts faits de son peuple et donner l'explication d'ornements tels que l'ordre persique.
Perses du palais Tyszkiewicz de Varsovie, sculptés en 1787 par André le Brun.
L'ordre persique fut inventé par les Spartiates après la victoire des Grecs sur les Perses, au milieu du Ve s. av. J.-C.. Il consiste en captifs servant de support, mais ne doivent pas être confondus avec les atlantes et les télamons, également figures viriles à rôle porteur, mais à l'attitude libre et la condition libre.
Les atlantes, qui tirent leur nom du titan Atlas, présentent un bel exemple au Nouvel Ermitage de Saint-Pétersbourg, où Alexandre Terebeniov les sculpta dans un granite sombre vers 1840. Après avoir connu une popularité suite aux guerres médiques, l'ordre persique connut un regain d'intérêt lors de la Reconquista. Le vicomte Gaston IV de Béarn, dit le Croisé, qui reprit les villes de Saragosse, Tudela, Borja, Tarazona, Soria, Cutanda, Calatayud et Daroca aux Arabes, fit rebâtir la cathédrale d'Oloron en 1102. On y trouve sculptées les figures de musulmans enchaînés. Mais c'est suite à la victoire du Saint-Empire romain germanique et de Venise sur les envahisseurs turcs que l'ordre persique connaîtra son âge d'or. Les architectes privilégiant autant qu'ils le purent les figures de captifs musulmans à la place des colonnes. Johann Balthasar Neumann et Johann Lukas von Hildebrandt, qui tous deux participèrent au décisif siège de Belgrade contre les Ottomans, s'en firent même une spécialité.
Perses, ou plutôt turcs, du Belvédère supérieur de Vienne, bâti de 1714 à 1723 par Lukas von Hildebrandt pour le prince Eugène de Savoie, qui commandait alors la coalition vénéto-impériale contre les Turcs. Notons que l'architecte abandonna son chantier le temps de participer, les armes à la main, au siège de Belgrade de 1717.
Surtout, l'architecte devra être versé en philosophie. Le stoïcisme ôtera toute arrogance et appât du gain à l'architecte, qui ne doit jamais bâtir pour sa propre gloire. Elle le rendra juste, fidèle, intègre et désintéressé. Il ne doit jamais s'élever par l'intrigue ou la corruption, et toujours rester humble et modeste. Il devra encore s'y connaître en physique, en lisant particulièrement Archimède et Ctésibios, notamment pour les questions de ventilation et d'eau courante ; en musique, car les harmonies musicales peuvent être appliquées à l'architecture, l'architecture réussie donnant toujours l'effet d'une musique pétrifiée. Il devra être versé dans la médecine pour les questions d'hygiène, en maçonnerie, en droit urbain et en astronomie. Si le savoir de l'architecte, qui ne peut s'appeler tel qu'au terme d'une longue vie d'apprentissage, doit être encyclopédique, nul ne pourrait prétendre atteindre le niveau des grands savants dans chacune de ces disciplines. Seul Pythius eut cette présomption, que Vitruve condamne mais dont il admire l'architecture.
Temple d'Athéna Polias de Priène, réalisé en 334 av. J.-C. par Pythius.
Cette stoïcienne humilitas soumettra l'architecte aux ordres de la Nature, de la Tradition et de la Beauté qui sont ses trois maîtresses. Dans la Nature, il puisera les matériaux pour ses constructions et les exemples pour ses ornements. Dans la Tradition, il puisera les savoirs, techniques et coutumes locales. Enfin, il obéira aux règles de Beauté découvertes par les Anciens.
La Nature est ce livre sacré de morale et d'esthétique enseignant la Vérité. Ses lois sont incontournables et sa forme à l'origine de la Beauté. La Nature produit également les seuls matériaux devant être utilisés pour l'architecture. Vitruve exige que ces derniers fussent locaux. Par exemple, malgré son impeccable dessin classique, l'architecte John Nash commit une faute grave en sculptant, en 1828, sa Marble Arch dans du marbre de Carrare en plein Londres. A l'inverse, le palais de Marbre de Saint-Pétersbourg, réalisé dans les années 1780 par Antonio Rinaldi, est bâti de granite finlandais, de marbre rose carélien et bleu de l'Oural et de dolomite de Tallinn. L'usage de matériaux locaux permettra également d'alléger le coût de leur transport, d'inscrire naturellement l'édifice dans son environnement et de correspondre aux techniques constructives des ouvriers locaux. La question ne se posait pas encore au temps de Vitruve, mais aujourd'hui, le respect de cette règle simple et naturelle est la condition de l'indépendance par rapport au système ploutocratique. Que l’on nous permette de raconter cette histoire, survenue sous Mitterrand. Dans l'Isère, un groupe d'architectes, dont Jean Dethier, s'était lancé dans la construction de logements sociaux en terre crue. C'est l'actuel Domaine de la Terre à Villefontaine, qui abrite soixante-dix familles. Ni acier ni béton, une régulation hygrométrique et thermique irréprochable, un bon vivre prévenant toute délinquance et une pérennité du bâti repoussant la ruine. Surtout, les travaux d'entretien et de réparation sont gratuits pour les habitants, qui n'ont qu'à se baisser pour ramasser le matériau de leur habitat. L'entreprise de ciment Vicat vint se plaindre auprès du Gouvernement de cette dangereuse concurrence, et l'architecte Dethier fut convoqué auprès du Ministère de l'Equipement, qui le somma fermement de cesser ses activités. L'habitat traditionnel a toujours été construit en matériaux naturels locaux, tels que la terre crue, le calcaire, le bois, la chaux, la chaume, la tuile, etc. Mais du fait de leur disponibilité, ils ne peuvent être source de profit pour l'industrie, contrairement au béton qui exige des moyens techniques coûteux, et dont la production est capitalisée par des groupes qui font du "lobbying" auprès de l'Etat. Afin d'empêcher le peuple de construire lui-même son habitat, il convient de le déraciner pour lui faire oublier ses anciennes traditions constructives avant de le rendre dépendant de la nouvelle manière de bâtir.
Les demeures sacrées des dieux éternels doivent être orientées de manière que, si le lieu ne s'y oppose pas, la statue du dieu déposée dans la cella regarde l'Occident. On notera que les églises obéiront ensuite à cette règle. Toutefois, si le temple prend place au bord d'un chemin ou près d'un cours d'eau, sa façade doit lui faire face, de manière à ce que le passant puisse saluer le dieu sans tourner autour de l'édifice. Les bâtiments non sacrés adapteront également leur disposition à la nature, une bibliothèque et un cellier seront par exemple ouverts sur le septentrion, afin de garantir la pourriture des livres et la cuisson des vins, une chambre à coucher sera ouverte sur le levant et un grenier à huiles sur le méridion, afin que les huiles ne gèlent point. Si la fonction conditionne l'emplacement, l'emplacement conditionne le plan, dans un jeu d'adaptations mutuelles entre nature et culture. En effet, la construction doit s'intégrer à la topographie naturelle, et non la nier comme le modernisme, qui tranche la nature comme un gâteau. L'architecture gothique reprendra cette capacité d'adaptation organique au sol.
La Tradition regroupe les usages d'un peuple. Ses coutumes, son organisation sociale, ses lois, ses valeurs, sa manière de se vêtir, de se nourrir, de boire, de chanter, de danser, de se souvenir, d'honorer ses ancêtres et de se loger. Chaque peuple en possède une propre, résultat de l'adaptation de ses besoins à son milieu. Pour ce qui concerne la construction, Vitruve rappelle qu'on ne construit pas chez un peuple comme chez un autre, et que l'architecte se doit de respecter les traditions constructives locales. Toit de laves de grès sur le plateau de la Vôge, tuiles en queue de castor en Bavière, en Saxe et en Alsace, toiture végétale en Scandinavie, toiture d'ardoises à la façon bretonne ou à la manière ligure, toit de paille de blé du Berry, de la Beauce ou de Normandie, toit de paille de seigle du massif central ou des Vosges alsaciennes, chaque tradition sait mieux que quiconque comment adapter la nature environnante à la sienne intérieure. Sous le règne de Louis XIV, Colbert fit venir l'architecte Bernin à Paris pour y dessiner la façade orientale du palais du Louvre. Gonflé d'orgueil, ce dernier, quoique brillant architecte, se croyait libre de ne lire dans Vitruve que les passages ayant traits aux constructions dédiées aux dieux immortels, négligeant le stoïcisme et l'humilité dont l'architecte doit faire preuve. Agacés par sa superbe et par le fait que ses ouvriers venaient d'Italie plutôt que d'alentours, les architectes français lui lancèrent ce défi : chacun construirait un mur devant passer l'hiver sur un terrain particulièrement rude. Sûr de lui, le Bernin bâtit un beau mur à la manière italienne, et les Français un autre à la leur. Le gel fit éclater le mur italien, tandis que le mur français tint jusqu'à ce qu'il fut rasé au siècle suivant. Vitruve défend à l'architecte de construire sur un sol qu'il ne foule point. S'il se trouve employé dans quelque contrée étrangère, il devra s'imprégner du lieu par de nombreuses promenades méditatives dans la nature. Celle-ci lui parlera dans la langue que l'architecte devra employer pour sa construction. N'est pas digne d'ériger un temple à Jupiter qui n'aurait pu, dans le même pays, bâtir un poulailler. Pour les constructions domestiques, il n'est donc de meilleur architecte que l'humble fermier, qui ne trouvera de meilleur maître qu'en son père et de meilleur élève qu'en son fils. Le bon architecte doit avoir reçu tel enseignement, et commencé sa carrière dès l'enfance par la construction de cabanes pour jouer, devenu plus vigoureux, le voilà aidant son grand-père et ses frères dans l'édification de cabanons, de celliers, de cabanes pour la chasse. Arrivé à l'âge de l'étude, il lira avec profit de nombreux ouvrages, notamment grecs, pour parfaire sa science et devenir un véritable professionnel. "Voilà pourquoi nos ancêtres n'employaient un architecte qu'après s'être assurés de l'honnêteté de sa naissance, de la bonté de son éducation. C'était à l'homme simple et modeste, et non à celui qui n'a en partage que présomption et effronterie, que s'adressait leur confiance. Les architectes n'instruisaient alors que leurs enfants et ceux de leur sang, et ils en faisaient des hommes de bien, à la fidélité desquels on pût sans inquiétude confier des sommes importantes." Vitruve ne craint pas d'abaisser la hauteur intellectuelle de son ouvrage en donnant des conseils, des ordres mêmes, relatifs aux modestes constructions rurales. Ne craignons pas, à notre tour, d'en rapporter quelques-uns. Il recommande par exemple à ce que les étables à bœufs aient leurs crèches tournées vers le soleil levant, qui les réchauffe et les calme. L'enclos doit mesurer, au strict minimum, sept pieds sur dix pour chaque paire de bœufs, ce qui nous donne environ 11m2 par tête. A noter que la norme actuelle est, en France, de 5m2 tandis que Vitruve ne donne ici que la dimension minimale d'un enclos, qu'il conseille de rendre le plus vaste possible.
Ce sage respect des traditions locales ne veut nullement dire que l'architecture classique est relative. Elle est, au contraire, soumise à de rigoureuses règles que nous allons exposer dans la seconde partie de notre critique. Un peuple n'atteint le stade de civilisation avancée que s'il se dote de Beaux-arts. Ces derniers ont une définition précise : il s'agit de créations esthétiques dévolues à l'embellissement ou à la dévotion, atteignant un niveau qualitatif suffisant pour en rendre la délectation universelle. S'il faut être Papou ou relativiste pour apprécier une statuette de la vallée du Sépik, il faut être aveugle pour ne pas apprécier l'Aphrodite des jardins d'Alcamène. C'est cette qualité universelle de l'art grec qui en fit adopter les règles par les Romains, qui les firent adopter à l'Europe entière. "La Grèce conquise conquit son farouche vainqueur et porta les arts au sein du Latium sauvage." (1). Mais toutes les races sont-elles dignes de cet art ? Sans répondre, Vitruve affirme que, si l'architecture grecque est ferme, noble, élégante, vertueuse, pure, belle et digne, tous les peuples ne le sont point. Ceux, nous dit-il au Livre VI, "qui sont voisins de l'équateur, et qui reçoivent perpendiculairement les rayons du soleil, ont la taille plus petite, la peau basanée, les cheveux crépus, les yeux noirs, les jambes faibles, et peu de sang dans les veines à cause de l'ardeur du soleil. Aussi cette disette de sang leur fait-elle appréhender toute espèce de blessure". A l'inverse, les pays septentrionaux "voient naître des peuples à la taille colossale, au teint blanc, à la chevelure plate et rousse, à l'œil clair, au tempérament sanguin, soumis qu'ils sont à l'influence du ciel froid et humide. [...] l'abondance du sang leur ôte la crainte que pourrait leur donner une blessure. [...] Les peuples qui habitent [...] sous l'équateur ont un son de voix plus grêle, plus aigu [...], les peuples qui habitent le milieu de la Grèce, ont dans le son de la voix moins de stridence. [...] ces nations méridionales, [...] s'il vient à question de faire acte de valeur, se trouvent sans énergie [...] ; tandis que celles qui naissent dans les pays froids ont plus d'assurance au milieu de la guerre, et y déploient une valeur à toute épreuve."
Bien que ces ouvrages aient disparu, nous donnerons la bibliographie que Vitruve expose au début de son Livre VII. Un jour, un roi grec du IVe s. av. J.-C. organisa un concours littéraire récompensant le meilleur livre publié en son pays. Le peuple rendait verdict par ses applaudissements avant que les juges ne se prononcent définitivement. Dédiés à Apollon et aux Muses, ces jeux étaient à la littérature ce que les jeux Olympiques, dédiés à Zeus, et les Dionysies étaient respectivement au sport et au théâtre. On en trouvera la survivance, au Moyen Age, dans les Jeux floraux de Toulouse. Tout en louant cette fête, Vitruve rapporte quelques anecdotes négatives, comme le jour où Aristophane de Byzance fut nommé directeur de la bibliothèque quand, en tant que juge, il reconnut six plagiaires parmi les concourants. Une autre fois, Zoïle, un Macédonien qui se faisait appeler le Fléau d'Homère, s'était rendu détestable en écrivant des ouvrages contre l'Iliade et l'Odyssée. Il prétendit au concours mais le peuple, le roi et les juges furent si heurtés de voir comment était traité "le prince des poètes, le père des lettres", que Zoïle se retrouva rapidement dans une sombre misère. On ignore les conditions de sa mort mais toutes les nations civilisées, qui honorent la mémoire d'Homère à sa juste valeur, se vantent de la lui avoir donnée : Ptolémée se targua de l'avoir fait mettre en croix, les habitants de Chios affirment l'avoir lapidé, les Smyrniotes de l'avoir brûlé vif, etc. Car tels sont les sorts que l'on réserve aux parricides ajoute Vitruve. A la différence des six plagiaires et de Zoïle, Vitruve reconnaît sa dette envers ses prédécesseurs, qu'il nomme et remercie humblement. Suit une passionnante bibliographie antique où l'auteur liste les ouvrages lui ayant servi pour la rédaction du sien. On ne peut qu'amèrement regretter leur perte, mais remercier Vitruve d'y avoir puisé sa science jusqu'à nous parvenue. Citons-en quelques-uns, en commençant par Silenus, qui fut l'auteur d'un ouvrage décrivant précisément les proportions de l'ordre dorique. Viennent ensuite plusieurs monographies de bâtiments : celle de Théodoros sur le temple d'Héra à Samos, de Chersiphron et Métagène sur l'Artémision d'Ephèse, de Philéos sur le temple d'Athéna à Priène, de Théodoros le Phocéen sur le tholos de Delphes, d'Hermogène sur le temple d'Artémis à Magnésie et de Dionysos sur l'île de Téos, d'Argélos sur le temple d'Asclépios qu'il bâtit lui-même et de ses propres mains chez les Tralliens, enfin de Satyros et Phytéos sur le Mausolée.
Tholos du sanctuaire apollinien de Delphes, construit vers 370 av. J.-C. par Théodoros de Phocée, exemple de temple périptère dorique.
Argélos écrivit également un ouvrage sur l'ordre corinthien et Philon sur les proportions que doivent avoir les temples. Vitruve cite ensuite neuf auteurs de moindre importance ayant écrit sur l'architecture, et douze sur l'ingéniérie, tous Grecs. Les seuls Romains ayant écrit sur cette matière sont Fussitius, auteur d'un livre sur l'architecture, Terentius Varron, dont les neuf volumes consacrés aux sciences en réservent un pour l'architecture, et Publius Septimius, qui en a laissé deux.
Les règles de l'Art
L'architecture est cette heureuse solution déduite de la fonction et du lieu suivant les règles des Anciens. Car tout commence par un besoin. Besoin d'une fontaine publique, d'une basilique, d'une muraille, d'un temple à Mars, de bains publics, d'un théâtre, de thermes, d'une agora, d'une prison, d'un temple à Junon, d'une caserne, d'un gymnase, etc. La fonction du bâtiment déterminera son emplacement dans le pays du peuple désirant l'édifier. Si l'on désire, par exemple, bâtir un temple au dieu de la Médecine Esculape, ou à sa fille Hygie, l'Hygiène, on aura soin de le faire dans un endroit particulièrement sain.
Temple d'Esculape, Rome.
Notons que c'est autant des besoins d'un peuple que de la nature d'un lieu dont découle la construction d'un bâtiment. Une belle source verra pousser en son bord un charmant temple dédié aux nymphes, un champ de batailles en verra un dédié à Mars. Sur ces situations, certaines règles s'appliquent. La place publique sera située au centre de la cité, ou au bord de l'eau si celle-ci est un port. On peut opposer les réussites des places principales de Sanary, Cassis ou Bordeaux, sises au port depuis toujours, à l'échec de celle de Toulon, située derrière la ville depuis la création de la place de la Liberté dans la seconde moitié du XIXe. Les temples dévolus aux divinités tutélaires seront placés en hauteur et surplomberont la cité, ainsi du temple d'Athéna dominant Athènes. Le temple dédié à Mercure, dieu du Commerce, sera en place publique, ceux dédiés à Bacchus et Apollon, dieux des arts et des spectacles, seront situés près du théâtre, celui d'Hercule, dieu des athlètes, le sera près du gymnase. Enfin, les temples dévolus à Mars, Vénus, Vulcain et Cérès seront hors-les-murs. Celui de Mars sera dans un champ portant son nom, afin que les querelles sanglantes que le culte de ce dieu fait naître se déroulent loin des rues.
Celui de Vénus afin que les jeunes filles ne corrompent pas leurs moeurs sous l'influence des plaisirs voluptueux. Celui de Vulcain afin que les maisons soient sauves des incendies que pourraient occasionner les cérémonies lui étant dévolues. Enfin, celui de Cérès, parce que "ce n'est qu'avec respect, avec sainteté, avec pureté, que l'on doit approcher ce lieu." Raisons morales, pratiques et symboliques se mêlent ici.
Temple dédié à Mars, improprement dénommé "temple de Janus", Autun, Morvan, Ier siècle.
Toute construction obéira aux trois conditions de l'architecture classique : firmitas, commoditas et venustas. Le bâtiment sera solide et pérenne, commode d'usage et beau au regard. Il devra donc être correctement construit en matériaux solides, adapté aux besoins pour lequel on l'a bâti et construit suivant les règles classiques permettant le Beau.
La première construction nécessaire est celle du foyer familial. Vitruve s'attarde longuement sur les habitations domestiques, notamment fermières. Le cavaedium, ou atrium, est la cour intérieure des maisons, au centre de laquelle se trouve un petit bassin de pierre destiné à recevoir l'eau de pluie, bassin qu'on appelle impluvium. Les atria sont de cinq espèces : toscane, tétrastyle, corinthienne, découverte et voûtée. L'atrium toscan, dépourvu de colonnes, est couvert d'une toiture percée d'une baie - le compluvium - aux dimensions de l'impluvium. C'est la solution la plus simple, empruntée par les Romains aux Etrusques, on en trouve un exemple dans la maison de Salluste à Pompéi. L'atrium tétrastyle possède un impluvium cantonné de quatre colonnes supportant la toiture de la galerie qui l'encadre. L'atrium corinthien est le plus magnifique. Une ample colonnade encadre désormais l'impluvium en s'écartant de lui.
L'atrium corinthien ne l'est que par son plan, il peut par contre être d'un autre ordre, comme à la maison des Diadumènes de Pompéi, pourvue d'un viril atrium corinthien d'ordre dorique.
L'atrium découvert incline les pentes du toit, non vers le compluvium mais vers l'extérieur. Enfin, l'atrium testudinatum, ou en dos de tortue, ne comporte ni compluvium ni impluvium et se trouve voûté en berceau. L'atrium donne sur plusieurs pièces, dont le cabinet d'étude, la salle à manger, les exèdres et le salon. Ce dernier est tourné vers le septentrion, où se trouve le jardin sur lequel il donne vue. On trouve cette agréable disposition, dont la tradition avait conservé le souvenir, dans nombre d'hôtels européens médiévaux, que l'on songe au palais Jacques Coeur de Bourges ou à l'hôtel Cluny de Paris. Les fenêtres du salon à la grecque ouvrent jusqu'au sol, ce qui lui donne lumière, élégance et agréable vue. Un parfait exemple se trouve à l'hôtel Lambert, réalisé par François Mansart dans la décennie 1640. Les réalisations de Mansart étant, de toute façon, toutes vitruviennes.
Le plan
Si la Nature a ses contraintes, l'architecture a les siennes et le plan que le bâtiment exige doit être autant respecté qu'adapté. Pour les temples dédiés aux dieux, l'architecte pourra choisir entre neuf types différents : le plan à antes, le plan prostyle, l'amphyprostyle, le périptère, le pseudodiptère, le diptère, l'hyptère, le tholos monoptère et le tholos périptère. Tout d'abord, notons que le plan d'un temple classique se compose généralement d'un vestibule, appelé pronaos, ouvrant sur la pièce principale, appelée naos, et enfin, derrière un mur clos, d'un choeur que l'on nomme opisthodome. Le plan à antes ne possède pas d'opisthodome et ne présente, pour toutes colonnes, que deux en façade, placées entre les "antes", qui sont les prolongements des murs du naos.
Trésor des Athéniens de Delphes, vers 390 av. J.-C., exemple de temple à antes.
Le temple prostyle lui est similaire, sinon qu'il présente une colonnade complète en façade. L'espace antérieur ne présentant plus de murs, on ne parle plus de pronaos.
L'amphiprostyle est un temple prostyle présentant également une colonnade postérieure.
Temple d'Athéna Nikè à Athènes, construit de 432 à 421 av. J.-C. par Callicratès.
Le temple périptère, doté d'un pronaos, d'un naos et d'un opisthodome, est entièrement encadré de colonnes. Le diptère est encadré de doubles rangées de colonnes, ses côtés devant avoir deux fois plus d'entre-colonnements qu'en façade. Ce plan est illustré par le temple dévolu à Diane en la forêt Aricine. Le pseudo-périptère est un temple périptère dont les murs de la cella ont été repoussés sur les côtés, pour les besoins des sacrifices que l'on doit aux dieux éternels, jusqu'aux colonnes latérales qui deviennent engagées.
Maison carrée de Nîmes, construite de l'an 10 av. à l'an 4 ap. notre ère, exemple de pseudo-périptère.
Le pseudo-diptère est un plan diptère dont les colonnes de la colonnade intérieure s'engagent, sur les côtés, dans le mur du naos. Le temple hyptère est un temple diptère présentant une colonnade plus petite à l'intérieur du naos. L'exemple le plus parfait en était l'Artémision d'Ephèse, bâti vers 560 av. J.-C. par Théodore de Samos, Chersiphron et Métagénès. Viennent ensuite deux types circulaires, appelés tholos : le monoptère, dépourvu de cella, et le périptère.
Temple de Diane de la villa Durazzo Pallavicini à Pegli, bel exemple de temple monoptère.
Temple de Vesta à Tivoli, datant du Ier siècle av. J.-C., périptère romain.
Le style
L'entre-colonnement donne son rythme au temple. Il en existe cinq espèces, toutes condamnées par Vitruve à l'exception d'une seule. Nommons les autres pour mémoire, de l'entre-colonnement le plus rapide au plus lent : le pycnostyle, le systyle, le diastyle et l'aréostyle. Le pycnostyle présente un entrecolonnement égal seulement à une fois et demi le diamètre des colonnes à leur base, et une hauteur de colonne égale à dix fois ce diamètre. Si Vitruve condamne les temples pycnostyle et systyle, c'est que les femmes ne peuvent y pénétrer côte à côte en se tenant le bras, comme il est habituel et charmant, et parce que les portes de ces temples sont souvent dissimulées par les colonnes. Le diastyle et l'aérostyle, au contraire, ont un rythme trop lent. L'espèce parfaite de temple est l'eustyle, à l'entre-colonnement égal à deux fois et quart le diamètre d'une colonne, à l'exception de l'entre-colonnement des deux colonnes du milieu des façades antérieure et postérieure, qui est triple.
Relief de marbre figurant l'empereur Marc-Aurèle procédant au sacrifice d'un taureau devant le temple de Jupiter Capitolin, eustyle, datant d'entre 160 et 180 et conservé au musée Capitolin.
Exemple d'eustyle en la chapelle du couvent des Augustines de Versailles, actuel Lycée Hoche, réalisée de 1767 à 1772 par l'architecte alsacien Richard Mique, guillotiné sous la Terreur.
Le diamètre de la colonne servira de module aux proportions de l'édifice entier. Car la Beauté naît de la proportion, de la finition et de la situation. La proportion est le rapport de dimension des différentes parties entre elles et avec le tout. La finition résulte de la qualité des matériaux, de leur travail et des ornements qui peuvent les agrémenter. La situation, enfin, est le parti que l'édifice tire de sa position. Le Parthénon d'Athènes et le Walhalla sont des chefs-d’œuvre, certes, mais leur situation sur un promontoire rocheux dominant la ville pour l'un, et dans les bois face au Danube bavarois pour l'autre les magnifient singulièrement.
Walhalla, ou temple à la Germanie, réalisé par Leo von Klenze en 1830.
La proportion n'est pas la dimension. Une femme, par exemple, sera belle si la largeur de son bassin est supérieure, dans une certaine proportion, avec son tour de taille, qui sera également inférieur à celui de sa poitrine. Peu importe que nous la voyions en taille naturelle, dessinée sur la page d'un carnet ou sculptée dans un roc de dix mètres. Elle sera belle par ses proportions, qui obéissent à un module, la dimension n'y faisant rien. Les règles proportionnelles de l'architecture classique, précises et complexes, laissent peu de place au hasard et à la fantaisie, et sont calculées sur celles d'un corps humain parfait. Masculin pour les ordres toscan et dorique, féminin pour les ordres ionique et corinthien. La proportion est réglée par un module, calculée d'une manière particulière pour chaque construction, nous n'en donnerons qu'un seul exemple. Si l'on désire construire un temple dorique tétrastyle, c'est-à-dire à quatre colonnes en façade, on divisera la largeur de la façade en dix-sept parties dont une servira de module. Le diamètre des colonnes sera, par exemple, de deux modules et sa hauteur de quatorze. Quant à la finition, il s'agit de ce que l'on voit de près : les yeux, les ornements, les moulures, les cannelures, les pampres, les volutes, les entrelacs, les dents, les doigts. Ces vérités restent pertinentes que l'on parle d'art comme de nature, et c'est ce qui rend l'architecture classique si vraie, si belle et si évidente. Vitruve n'est pas le créatif inventeur d'une architecture inédite, mais le dépositaire de règles fixées par les siècles. L'architecture classique est née en Grèce plus de mil ans avant lui, et son meilleur représentant fut Hermogène, auteur d'un traité architectural vers l'an 200 av. J.-C., ses ouvrages "sont devenus la source où la postérité a pu puiser les règles de l'art." Inventeur du plan pseudo-diptère et du rythme eustyle, il est l'architecte du temple ruiné de Dionysos à Teos. Vitruve ne cherche pas à bouleverser les règles, mais à les maintenir, en bon conservateur, au travers des aléas du temps.
L'ordre
L'architecture sacrée possède sept types de plans, cinq styles d'entre-colonnement - dont un seul est préférable - et trois ordres : le dorique, l'ionique et le corinthien. Ordres auxquels on peut ajouter le toscan, le composite et les ordres anthropomorphes.
L'ordre dorique est le plus ancien à avoir été inventé. Il est l'ordre mâle, son aspect est viril.
Second temple d'Héra à Paestum, Sicile, milieu du Ve s. av. J.-C.
L'ordre dorique grec est dépourvu de base, il se compose d'une colonne trapue à vingt cannelures, d'un chapiteau et d'un entablement. Le chapiteau se compose d'anglets, d'un gorgerin, d'un filet, d'une échine et enfin de l'abaque.
L'entablement dorique est composé d'une architrave nue, d'un réglet et d'une frise sur laquelle alternent les triglyphes et les métopes. Les triglyphes sont la pétrification des poutres de la charpente, ils sont ornés de deux canaux au centre et de deux demis latéraux, couverts de cire bleue et surmontés d'un petit chapiteau sans ornement. Au droit des triglyphes prennent place les mutules, pétrification des forces. Sous le triglyphe prennent place dix-huit gouttes. Nul ornement au-dessus de la frise, sinon des foudres. Vient ensuite le fronton triangulaire. Voilà pour la façade. Les divers ornements de l'ordre dorique sont la pétrification des pièces architectoniques en bois des premiers temples. Ainsi, la beauté naît de la nécessité et de la tradition.
La porte dorique, qui se ferme à deux battants, est de forme légèrement trapézoïdale, plus étroite au sommet qu'au sol. Le plus parfait exemple de bâtiment dorique aurait été le temple d'Héra en la cité d'Argos, bâti sur ordre de Doros, alors roi du Péloponnèse et d'Achaïe. Doros, père des Doriens et fils d'Hellen, père des Hellènes avec son épouse Orséis, naïade d'une cascade thessalienne, est un personnage mythique ayant basculé dans l'Histoire scientifique au cours de la seconde moitié du XXe siècle, avec le déchiffrement du linéaire B, syllabaire de l'âge du Bronze. Une des tablettes retrouvées à Pylos, en Achaïe, et datée du XIV ou XIIIe s. av. J.-C. - la tablette Fn867, qui traite du rituel dévolu à la déesse-mère Potnia - mentionne un roi nommé Dorieos. Nous sommes alors en pleine période mycénienne et la cité d'Argos est l'un des principaux sites archéologiques de cette civilisation. Au milieu du XIIe s. av. J.-C., toutes les importantes cités mycéniennes s'effondreront à l'exception d'Athènes qui, au contraire, s'épanouira. C'est également à cette époque que les linguistes situent la diffusion du dorien en Grèce depuis l'Epire. La lecture du premier chapitre du Livre VII des Helléniques de Xénophon, écrits dans la première moitié du IVe s. av. J.-C., peut nous éclairer sur ces épisodes. Zeus avait promis à Héraclès la royauté sur Argos, Sparte et Pylos, mais Héra favorisa contre lui le roi de Mycènes Eurysthée, qui prit le pouvoir à sa place. Les soixante fils d'Héraclès furent chassés à Athènes, où le roi les soutint. Ensemble, ils battirent les armées d'Eurysthée, qui fut tué par Hyllos, fils d'Héraclès et de Déjanire. Les Héraclides furent ensuite accueillis par Aegimios, roi de Thessalie, et reçurent de l'oracle de Delphes l'ordre de reconquérir le Péloponnèse. Leur victoire leur donnant pouvoir seulement cent ans plus tard, leur défaite le leur interdisant à jamais. Les Héraclides battirent les successeurs d'Eurysthée et, plusieurs siècles plus tard, les Grecs de la période classique savaient se souvenir quelle ethnie descendait de la race d'Héraclès et d'Aegimios. Ceux-là s'appelaient Doriens (2). L'Histoire a retenu cet épisode comme celui des invasions doriennes, les Grecs anciens parlaient du retour des Héraclides. L'ordre dorique serait donc né au milieu du IIe millénaire av. notre ère, quelques siècles avant qu'un descendant du roi mycénien Dorieos, suite à une querelle dynastique, ne soit été écarté du pouvoir. Lui et les siens se réfugièrent alors chez les Athéniens et les Thessaliens. Soutenus par une tribu épirote, probablement leur clan d'origine, ils menèrent une longue guerre contre le pouvoir mycénien. Les cités qu'ils prirent ou qui les avaient soutenus seront celles qui brilleront à l'âge classique : Athènes, Sparte, Corinthe. On trouve sur le fronton de la Porte aux lions de Mycènes, sculptée aux alentours de l'an 1300 av. J.-C., une parfaite colonne dorique grecque avec ses anglets, son gorgerin, son filet, son échine renflée et son abaque.
Elle est même surmontée d'un morceau d'entablement dont le motif évoque un triglyphe dont les faces auraient été remplacées par des cercles. Cette colonne dorique est adorée par deux lions européens, l'espèce disparue de nos jours du panthera leo europea, et juchée sur un stylobate. Selon l'archéologue Sir Arthur Evans, qui mit au jour les sites mycéniens et minoens, l'ordre dorique était déjà employé pour la construction des palais du Bronze moyen sur l'île de Crète, et sans doute déjà vers l'an 2000 av. J.-C., à la période proto-palatiale. Quoi qu'il en soit, l'ordre dorique est né en Europe et son attribut caractéristique était sacré pour les Hellènes de l'âge du Bronze. Cette colonne dressée, contemporaine des dernières statues-menhirs, est probablement un symbolique phallique. Dressée à l'entrée du palais mycénien, on peut penser qu'elle annonce le pouvoir des hommes habitant ce lieu sacré. Symbole de vertu, au sens étymologique du terme : de vigueur, de force, de pouvoir, de droiture, de virilité, de ténacité, de justice, de pérennité, de stabilité, d'ordre, de droit, de divin et d'aristocratie. Tout le champ lexical du vertical. Au moment où cette colonne dorique se dresse, l'Egypte pharaonique tombe sous la domination des Hyksôs, Indo-aryens probablement issus de l'Empire hatti, la Babylonie tombe sous les coups des Indo-aryens Hittites tandis que l'Inde subit l'invasion indo-aryenne védique. A ce moment, la civilisation minoenne s'affirme comme principale entité politique méditerranéenne, et développe une puissante civilisation dont certains des codes perdureront jusqu'à nos jours. Car éternel est le souvenir européen et, lorsqu'en 1900, Sir Arthur Evans met à jour les sites minoens de l'âge du Bronze, la longue mémoire européenne lui souffle le nom retenu de l'un de ses architectes : Dédale.
L'ordre ionique est plus gracieux, il est voluptueux et féminin, fier et noble, digne et sensuel. Les colonnes, comportant vingt-quatre cannelures, reposent sur des bases atticurges (3).
Le chapiteau ionique, qui prend place où se terminent les cannelures, se compose d'un astragale, ornée sur notre photographie d'un chapelet de perles, d'une échine ornée d'oves et de dards, d'un coussinet à volutes et d'un abaque, ici orné de rais-de-cœur. Vient ensuite l'entablement, composé d'une architrave à trois fasces - celle du milieu est ici ornée - et d'un talon, ici orné de rais-de-cœur. Vient ensuite la frise historiée, que nous ne pouvons voir ici, et la corniche. Cette dernière se compose d'un talon, de denticules, d'oves, d'un larmier et d'une doucine, ou cimaise.
Des têtes du lion européen ornent la doucine des corniches au niveau de chaque colonne, leurs gueules sont percées au niveau de la gouttière de manière à cracher les eaux de pluie. D'autres têtes de lions, non percées, sont disposées au même niveau mais à l'aplomb de chaque tuile du toit. Les denticules sont la pétrification des chevrons et les mutules des forces. Voilà pourquoi il ne faut jamais placer de denticules sous les mutules, ce qui arrive pourtant parfois dans certains bâtiments, certes classiques, mais non vitruviens. De la même manière, les frontons, qui sont la pétrification de la charpente, ne doivent présenter ni mutules ni denticules, puisque les chevrons et les forces ne peuvent faire saillie dans de telles structures. Ils auraient au contraire, s'il s'agissait d'un bâtiment de bois, leur pente vers les gouttières, ce qui est figuré dans l'architecture vitruvienne par les mutules inclinées des côtés. Plutôt que de laborieusement décrire la porte ionique au moyen de termes grecs savants, mieux vaudra en présenter un admirable exemple, en le temple dédié à Mithra de Garni, bâti en l'an 77 en Arménie.
L'ordre ionique fut inventé par le peuple des Ioniens, dont voici l'origine. Au Xe siècle av. J.-C., alors que les Athéniens consultaient l'oracle de Delphes, le dieu Apollon reconnut Ion comme son propre fils et lui demanda de commander treize tribus hellènes, chacune menée d'un chef, afin de coloniser les rivages asiatiques et d'y établir autant de colonies. Cette expédition, menée sous la protection d'un dieu, sera couronnée de succès et donnera naissance à treize villes fameuses : Ephèse, Milet, Myonte, Priène, Samos, Téos, Colophon, Chios, Erythrée, Phocée, Clazomène, Lébédos et Smyrne. Ce nouveau peuple s'appela Ionien, en l'honneur d'Ion, leur héros fondateur. Leurs premiers temples étaient de style dorique, notamment celui qu'ils élevèrent à l'Apollon Panionien, leur divinité tutélaire. Mais pour celui qu'ils élevèrent à Artémis, ils voulurent donner la délicatesse, les ornements et la grâce féminine. C'est ainsi que fut inventé l'ordre ionique, de proportion plus déliée que l'ordre dorique.
L'ordre corinthien est le plus gracieux de tous. Il évoque une jolie jeune fille toute apprêtée. Il convient, nous dit Vitruve, à Vénus, Flore, Proserpine et aux nymphes des fontaines, "dont la grâce semble exiger un travail délicat, fleuri".
Tétrapylon du temple d'Aphrodite à Aphrodisias, IIe siècle.
Ses proportions sont les mêmes que celles de l'ordre ionique. Le chapiteau se compose d'un astragale le séparant du fût, d'une corbeille composée de caulicoles et de volutes supportant l'abaque à cornes, frappé d'une fleur au centre de ses faces. L'entablement emprunte les mutules de l'ordre dorique et la frise et les denticules de l'ordre ionique. "Des deux ordres, on a donc formé le troisième, n'ayant que le chapiteau qui lui appartienne."
Maison carrée de Nîmes, construite de 10 av. J.-C. à l'an 4.
L'ordre corinthien fut inventé au Ve s. av. J.-C. par le sculpteur, architecte, orfèvre et peintre athénien Callimaque. Alors que ce dernier était employé à Corinthe pour l'érection d'un temple et qu'il se reposait en se promenant, le soir, le long d'un chemin. Il aperçut une acanthe ayant poussé d'une manière fort particulière, qui lui plût immédiatement et dont il s'inspira pour le dessin des chapiteaux de son temple. Une jeune fille était décédée prématurément et sa nourrice avait rassemblé les petits pots dans lesquels elle rangeait ses souvenirs dans un panier d'osier, qu'elle avait posé sur sa tombe. Par hasard, une racine d'acanthe se trouvait sous le panier et poussa tout autour jusqu'à rencontrer la tuile plate que la nourrice avait posé dessus, alors, les feuilles s'enroulèrent sur elles-mêmes en une harmonieuse disposition.
L'ordre toscan est le plus massif et le plus trapu de tous. La largeur d'un temple toscan correspond aux cinq sixièmes de sa longueur, ce qui lui donne un plan presque carré. La moitié postérieure du temple sera destinée aux cellas, l'autre aux colonnes. Cet ordre est né de l'imitation, par les Etrusques, vers le VIII ou VIIe siècle av. J.-C., de l'architecture grecque. On le rencontre, notamment, au premier niveau du Colisée.
A la fin du premier chapitre du Livre IV, Vitruve remarque que l'on peut mêler, tout en respectant scrupuleusement leurs proportions, des chapiteaux empruntant aux ordres dorique, ionique et corinthien. On les appelle composites et ils ne sont nullement réglés par Vitruve. Ce dernier ne faisant que constater leur existence, et avouer leur élégance. Ils conviendront pour les architectes et les bâtiments où la fantaisie veut se donner libre cours.
Enfin, on peut remplacer les colonnes par des figures humaines : perses, caryatides, atlantes et télamons. Les ordres persique et cariatique laissent à des figures soumises le soin de porter corniches et entablements. Si nous avons déjà traité des perses, rappelons que les caryatides furent inventées par les Grecs pour se souvenir du sort humiliant qui fut réservé aux femmes de Carie, région des côtes anatoliennes peuplée de non-Grecs. En effet, leur collaboration avec l'envahisseur perse leur donna droit aux fers une fois la victoire grecque. C'est pourquoi les caryatides sont toujours figurées sans bras, dans une attitude emprunte de culpabilité.
Cariatides de l'Erechtéion d'Athènes, sculptées par Alcamène vers 415 av. J.-C.
A ces serviles figures s'opposent les libres atlantes et télamons, virils à rôle porteur. Les télamons étant employés dans l'architecture domestique pour supporter les corniches. Ils figurent le roi de Salamine Télamon, frère de Pélée, fils d'Endéis et d'Eaque, petit-fils de Zeus et de la nymphe Egine, et père d'Ajax le Grand et de Teucer. A ces figures anthropomorphes vitruviennes, les architectes ultérieurs ont ajouté les termes et les nymphes. Les termes, du dieu latin Terminus, sont des figures à fonction porteuse, engaînées et dépourvues de bras, mais nullement serviles. Les nymphes, fort employées à la Belle Epoque, sont d'agréables femmes remplissant la même fonction.
Nymphes de la maison Chappaz à Béziers, actuellement ruinée, par Jean-Antoine Injalbert en 1868, alors âgé de seulement vingt-deux ans.
Les trois ordres principaux de l'architecture classique - dorique, ionique et corinthien - sont également chronologiques. D'abord est l'éternelle tradition d'un culte sacré venu du fond des âges, respecté par une race entière. Suit l'expression d'un peuple particulier de cette race, qui se dote d'une architecture ethnique propre. Enfin vient la création d'un artiste. Au cours des siècles, l'art descend du général au particulier, de la sacralité à l'esthétique, du racial à l'individuel. Se faisant, il gagne autant en finesse et en fantaisie qu'il perd en virilité et en unité. Qui ne serait charmé par les grâces de l'ordre corinthien, de l'ordre composite même ? Les sociétés évoluées se reconnaissent à l'existence d'artistes s'exprimant dans leur langage propre, avec leur propre style, et par leur capacité à inventer de nouvelles formes. Ce fut le cas de l'Occident pour chacune des périodes "baroques" de ses successives phases civilisationnelles - magdalénien pour la civilisation paléolithique, milieu du IVe millénaire pour la civilisation mégalithique, laténien pour la civilisation celte, période hellénistique pour la civilisation classique, flamboyant pour la civilisation médiévale, rococo pour les Temps modernes, etc. Mais si, à côté de ces étourdissantes fantaisie, un pieux respect pousse certains, et même la plupart, à perpétuer l'antique Tradition, alors la Civilisation évite la décadence tout en jouissant du progrès. Et c'est bel et bien ce que réussit la civilisation classique qui construisait en composite comme en dorique, qui lisait Pétrone comme Homère. Vitruve, qui naît deux mil ans après l'invention du dorique, se donne pour rôle de défendre les règles éternelles consacrées par les siècles, et de condamner les dérives d'une inventivité débridée.
"Mais cette belle nature, dans laquelle les anciens allaient prendre leurs modèles, nos goûts dépravés la repoussent aujourd'hui. On ne voit plus sur les murs que des monstres, au lieu de ces représentations vraies, naturelles ; en place de colonnes, on met des roseaux ; les frontons sont remplacés par des sortes de harpons et des coquilles striées, avec des feuilles frisées et de légères volutes. On fait des candélabres soutenant de petits édifices, du haut desquels s'élèvent, comme y ayant pris racine, quantité de jeunes tiges ornées de volutes, et portant sans raison de petites figures assises ; on voit encore des tiges terminées par des fleurs d'où sortent des demi-figures, les unes avec des visages d'hommes, les autres avec des têtes d'animaux." Comment mieux décrire le rococo ? Ce texte de Vitruve nous apprend l'existence disparue d'un maniérisme antique, dont l'Europe des Temps modernes connaîtra l'équivalent. Ceci implique qu'une loi veuille qu'un même style connaisse une même transformation, du moins entre les mains d'un même peuple.
Conclusion
L'ouvrage de Vitruve n'expose point les innovations d'un architecte inventif, mais les règles d'une architecture déjà fixée par les siècles. Vitruve est un dépositaire, non un inventeur. Son but est d'enseigner aux générations futures les lois de la bonne architecture. Conscient, toutefois, que celle-ci a évolué par le passé, et soucieux qu'elle ne reste point pétrifiée dans l'avenir, il passe en revue l'invention des ordres toscan, ionique, anthropomorphes, corinthien et composite - qui, dans l'ordre chronologique, furent inventés après l'ordre dorique - et autorise les architectes à mêler les différentes moulures des ordres pour donner naissance à de nouveaux, du moment que les proportions sont respectées. Car c'est bien ces dernières qui constituent, avec la logique, les lois inviolables de l'architecture vitruvienne. L'ouvrage de Vitruve est clair : l'invention est permise, les ornements, sur lesquels il ne s'attarde pas, peuvent être modifiés, créés même, à condition qu'ils fussent à leur place et qu'ils ne figurent rien de contre-naturelle ou d'illogique. On ne posera point, par exemple, de colonnes sur des tuiles, même si ces dernières sont feintes et peuvent architectoniquement les porter, car cela n'est pas correct, cela est trompeur. Respect d'un module et de règles proportionnelles, vraisemblance architectonique et ornementation puisée dans la nature locale sont trois lois incontournables de l'architecture vitruvienne. Pour conclure, nous parlerons du présent, et verrons ce qu'une nouvelle Renaissance pourrait nous apporter. Tout d'abord : une architecte belle, fonctionnelle et solide, contrairement à celle d'aujourd'hui. Construire serait alors de nouveau synonyme d'embellissement et non d'enlaidissement. Ensuite : une architecture identitaire, plongeant ses racines à la source de notre Civilisation. Enfin : une architecture respectueuse de la nature et des traditions locales, qui délivre un message moral. L'homme grandissant au milieu des grandes surfaces, des parkings et des barres d'immeubles n'a pas la même vertu que celui grandissant au milieu des arbres, des fières colonnes doriques et des temples dévolus à Mars et Athéna.
Pour le SOCLE:
- Le classicisme est né il y a environ quatre millénaires en Grèce. Construire suivant ses règles, c'est se rattacher à la longue mémoire européenne.
- Le classicisme est l'un des marqueurs identitaires de la Civilisation européenne, où il y a classicisme, il y eut Europe. Une Europe forte et cohérente se doit de s'illustrer par un art commun, il ne peut s'agir que du classicisme, qui seul conquit l'Europe entière.
- Il est nécessaire de rétablir un Académisme enseigné dans les écoles nationales des Beaux-arts qui serait le classicisme vitruvien. Le tempérament naturel de la jeunesse créera une émulation entre partisans du classicisme le plus pur et novateurs. Ces derniers, armés de solides compétences, inventeront une architecture nouvelle mais de bonne qualité, comme le firent les inventeurs du maniérisme, du baroque, du rococo et de l'Art nouveau. Il conviendra aussi qu'à côté de ces écoles nationales fleurissent des écoles régionales défendant les styles locaux. Mais l'Etat s'illustrera dans le classicisme vitruvien.
- Les bâtiments classiques délivrent un message moral, répondent à un besoin, embellissent la Terre et respectent la Nature. Revenir au classicisme, c'est opérer un progrès civilisationnel décisif et urgent.
Notes:
1 - Horace, Epîtres II,I, 156.
2 - Le dorien est un dialecte du grec ancien parlé en Epire, d'où il est originaire, à Delphes, en Elide, en Messénie, en Laconie, en Argolide, à Mégare, à Théra, en Crète, à Rhodes, à Cos, à Argos et à Tarente. Il a aujourd'hui presqu'entièrement disparu au profit du grec moderne. Seuls environ trois cents personnes le parlent encore dans une poignée de villages de la côte orientale de l'Arcadie, où il est appelé tsakonien. C'est une langue menacée.
3 - Le mode atticurge est la manière classique athénienne. Elle se caractérise par des portes à un seul battant et des colonnes de section carrée. On parlera de base attique pour un socle carré et d'étage attique pour le dernier demi-étage d'une construction.