La place Stanislas, originellement place Louis-XV, présente des bâtiments d'Emmanuel Héré, des ferronneries de Jean Lamour et Dominique Collin ainsi que des sculptures de Barthélémy Guibal.
Nous voyons ici une place quadrangulaire, bordée de bâtiments de style classique et de grilles rocailles. Elle donne d'un côté sur l'hôtel de ville et de l'autre sur une rue menant à un arc de triomphe, débouchant sur la place d'Alliance, qui donne à son tour sur la place de la Carrière, ovale et fermée par le Palais du Gouvernement. Elle était autrefois ornée d'une statue du roi Louis XV, qui sera détruite à la Révolution et remplacée au XIXe s. par une statue du duc Stanislas. Les réverbères et les lanternes datent également du XIXe s.
L'arc de triomphe, à rythme triomphal, était à l'origine encastré dans la muraille, mais en fut dégagé dès le règne de Louis XVI. Il s'inspire de celui de Constantin à Rome. Son rythme est donné par un ordre corinthien sur haut piédestal. Chacune des colonnes est adossée à un pilastre du même ordre. La frise de l'entablement est ornée de rameaux d'oliviers, arbre de Minerve et symbole de paix, dans lesquels s'emmêlent des trophées militaires. Les décrochements de la frise, au niveau des colonnes, sont frappés de couronnes de laurier, arbre d'Apollon et symbole, de gloire, de victoire. La clef des arcs latéraux est ornée d'un aegicrane, une tête de bélier coupée, et celle de l'arc central l'est d'un mascaron figurant un jeune homme souriant et couronné de blés. Ces arcs sont portés par des piliers doriques. Des trophées encadrent des médaillons composés d'une opulente guirlande dorée entourant une inscription sur marbre noir. Celle de gauche est gravée de "PRINCIPI VICTORI", et celle de droite de "PRINCIPI PACIFICO", ce qui renvoit à la symbolique de la paix par la guerre du monument, qui mêle les lauriers à l'olivier et Mars à Cérès, la grille à l'ornement et le noir à l'or. Dualité nullement paradoxale qui se résume si bien dans la figure de Minerve, que l'on trouve du reste sur le couronnement pyramidé, tenant un médaillon de Louis XV. Elle est surmontée d'une Victoire de son cortège, sonnant le triomphe du roi, qui vient de faire signer le Traité d'Aix-la-Chapelle aux puissances ennemies vaincues. Le médaillon originel de marbre blanc a été détruit lors de la Révolution et remplacé au XIXe s. Ce couronnement est occupé par une table de marbre noire sur laquelle est gravée : "HOSTIUM TERROR / FOEDERUM CULTOR / GENTISQUE DECUS ET AMOR", soit "Terreur des ennemis / artisan des traités / gloire et amour de son peuple". Autour, sur le toit, figurent une copie de l'Hercule Farnèse, dieu auquel tous les Bourbons se sont assimilés, Mars, dieu de la Guerre, Minerve, déesse de la Guerre, de l'Intelligence et de la Sagesse, et Cérès, déesse de la Prospérité, de la Fécondité et de l'Abondance. Les trois reliefs situés sous la corniche représentent Apollon au milieu des Muses, dieu de l'Ordre, de la Lumière, de l'Harmonie et des Arts, il a déjà plusieurs fois servi à évoquer le roi de France à Versailles ; au centre, Minerve et Mercure entourés des richesses et des connaissances de la Terre, image de prospérité ; et enfin Apollon tuant Python et sauvant la vie d'un homme.
Les autres ornements de ce beau bâtiment sont des rameaux de laurier, symbole de gloire, et de chêne, symbole de force et de vertu. La claire lithochromie de l'ensemble, encore éclairée des deux couronnes dorées, crée un effet d'une réelle délicatesse sans pour autant faire perdre à ce monument militaire sa féminine robustesse. Car oui, l'arc de triomphe est une femme entre les jambes de laquelle défilent les cohortes victorieuses.
Les façades, dessinées par Emmanuel Héré, reprennent celles que Germain Boffrand, son maître, avait dessinées pour la place de la Carrière. Elles-mêmes reprenaient le dessin de celles des places des Conquêtes (actuelle place Vendôme) et des Victoires à Paris, dessinées par Jules Hardouin-Mansart, maître de Germain Boffrand et architecte de Versailles. Les façades de la place Stanislas présentent un premier niveau à bossages continus en table, percé de baies en plein cintre sans archivoltes et aux clefs surmontées de mascarons. Les deux niveaux suivants sont enjambés d'un ordre colossal de pilastres corinthiens. Le deuxième est percé de baies en plein cintre dont la clef de l'archivolte est frappée, comme pour les baies du dernier niveau, d'une console. Cette archivolte repose sur deux pilastres toscans adossés aux pilastres corinthiens colossaux. Les baies du troisième niveau sont à arc segmentaire et ont leur chambranle orné de crossettes aux quatre angles : de manière verticale pour les angles du bas et horizontale pour ceux du haut. Suivent une corniche, une balustrade et des pots-à-feu. Aux angles, la balustrade est ornée de groupes sculptés. Les baies des étages sont ornées de garde-corps en ferronneries partiellement dorées. Ces élévations sont fort élégantes.
Les six grilles sont dans le goût des garde-corps des façades, elles accrochent leurs ornements rocailles dorés à la feuille sur des ferronneries noires de fer battu. Elles se composent de portails majeurs reliés entre eux par des cloisons - ajourées bien entendu - percées de baies plus petites. Les portails majeurs sont formés de piliers d'ordre colossal supportant un entablement complet, le tout encadrant des arcs en anse de panier dont la clef est surmontée d'une face de soleil, allusion à Louis XV. Les chapiteaux sont d'ordre français, suivant le dessin réalisé par Jules Hardouin-Mansart pour la galerie des Glaces de Versailles. On y trouve le coq gaulois claironnant, signe du rattachement définitif du duché à la Couronne française, en 1766, à la mort de Stanislas. Les piliers portent de lourds trophées cantonnant un majestueux blason du roi de France surmonté d'une couronne royale. Tous les médaillons sont de Dominique Collin. Ces arcs reposent sur un ordre mineur de piliers doriques adossés aux piliers colossaux.
Les fontaines de Neptune et d'Amphitrite prennent place sous les arcades majeures de deux des grilles. Elles sont chacune encadrées de deux plus petites représentant des putti (ces fameux nourrissons joufflus) jouant dans la vasque d'un coquillage. Neptune et Amphitrite, couple divin des flots marins, prennent également chacun place sur un énorme coquillage juché sur un socle de roches accrochées de plantes aquatiques. Ce qui est typique du rocaille et rappelle, par exemple, les bénitiers de l'église Saint-Sulpice de Paris que réalise Pigalle au même moment. Le bassin de Neptune fait par les frères Adam au château de Versailles une dizaine d'années plus tôt sert ici de modèle.
Monument à Stanislas Leszczynski (1831) par Georges Jacquot
Stanislas Leszczynski fut nommé duc de Lorraine par la France en 1737. Il est le roi déchu de Pologne et le père de Marie Leszczynki, épouse du roi Louis XV. A son arrivée, il voulut faire embellir sa capitale de Nancy par les artistes que son prédécesseur avait rassemblé autour de lui. Il fit ainsi construire une enfilade de trois places. Il s'agit d'un programme d'embellissement urbain caractéristique du XVIIIe s., avec son rationalisme, sa place ornée d'une statue du souverain, ses façades classiques, ses ferronneries rocailles et sa claire minéralité.
Gaspard Valènt, pour le SOCLE