Yves-Marie Adeline est un universitaire, écrivain, et essayiste français né en 1960. Royaliste de famille, il a d'abord laissé parler sa fibre artistique, en devenant docteur ès Sciences de l'Art à Paris 1, enseignant à l'université de Poitiers pendant ses premières années, et écrivant une demi-douzaine de recueils de poèmes. Au début des années 90, mû par un besoin viscéral de s'engager enfin dans la politique, il est devenu directeur de cabinet de l'ancien ministre et sénateur centriste Jean Arthuis. Mais ce n'était pas apparemment pas suffisant. En 2001, il a fini par créer la formation politique Alliance Royale, concrétisant son aspiration à sortir le monarchisme de son apathie romantique pour l'intégrer au réel, celui du combat politique. Il ne vise rien de moins que la restauration, et, pour ce faire, l'instauration d'une monarchie moderne prenant comme base de départ la constitution de la Vème République, en passant par une approche strictement électorale. Les résultats désastreux aux élections, en plus d'être éminemment logiques, ne font qu'appuyer ses propos : les Royalistes sont, depuis très longtemps, hors du coup. Anachroniques, inaudibles, démantibulés par deux siècles de propagande républicaine qui a réussi à installer son système… comme une évidence. Et ce propos, Adeline l'a exprimé à travers plusieurs essais, dont le présent, présenté comme son plus complet.
Félix Croissant, pour le SOCLE
La critique positive du Royalisme en questions au format .pdf
Le "bon" roi
Dans la préface, le grand écrivain français Vladimir Volkoff y présente la monarchie comme "un beau modèle qui fonctionne encore dans d'autres pays du monde, de la Norvège au Maroc en passant par la Belgique et l'Espagne, et n'y donne pas de si mauvais résultats que ça…" À la lecture de ce passage, j'ai fait de gros yeux : les monarchies européennes modernes sont constitutionnelles (un type de régime politique qui reconnait un monarque à sa tête mais où une constitution limite ses pouvoirs), ce qui signifie, en réalité, qu'elles sont parlementaires, et que leur monarque n'a qu'une fonction symbolique. Certes, ce dernier peut agir comme un symbole de la continuité historique de l'État, un garant de l'unité nationale, ou encore un glorieux représentant à l'étranger, ce qui n'est pas dénué d'intérêt, surtout sur le plan de la continuité. Mais face aux périls actuels, sauve-t-il un meuble ? On peut penser que non. Adolphe Thiers disait que le roi ne gouverne pas, mais règne. Or, ce n'est pas à ce type émasculé de souverain qu'un véritable royaliste doit, à notre sens, aspirer. Adeline notera bien, un peu plus tard, l'exemple du roi de Thaïlande (alors appelé le Siam), qui avait réussi à épargner la guerre civile à son pays en tempérant les ardeurs des chefs des deux partis, qui s'étaient alors prosternés devant lui. "Le roi, au-dessus de tous les partis possibles, garant de la souveraineté de son pays comme de sa cohésion", dira-t-il… mais ça ne me convainc pas plus que ça : après tout, dans son exemple, le roi ne mène pas son pays vers la grandeur, il ne fait que limiter la casse. Qui sait ce qu'il aurait pu faire s'il avait eu un VRAI pouvoir, le pouvoir exécutif ?
Yves-Marie Adeline finit Le Royalisme en Questions durant l'été 2002. L'UE est alors en pleine euphorie. Sans nier les arguments et le charme du projet européen, il préfère la France, son pays, à l'Europe. Il n'adhère pas au fédéralisme européen pour deux raisons : d'une part, son amour de la France, simple ; d'autre part, le fait qu'il ne croit pas à un état européen. "Si ce dernier existait en dépit du bon sens, avec ses multiples langues, ses religions différentes, ses traditions bigarrées, ses histoires opposées, ses intérêts géopolitiques contradictoires, il serait trop disparate, donc trop faible, pour être à la hauteur de ce qu'on attendrait de lui. Ainsi serait-il un simple protectorat des USA, ou du moins un état souffrant des tares que connut jadis le Saint-Empire". En résumé, trop grand, trop bigarré, trop ambitieux.
Sans céder au nationalisme maurrassien, Adeline part donc du principe que le rétablissement du pays ne pourra se faire autrement qu'à l'échelle nationale, puisqu'institutionnelle. Or, son institution première, c'est la royauté. "Ce qui peut inciter nos compatriotes à se mobiliser pour la France, ce n'est pas sa beauté nue, mais son aube royale, le vêtement glorieux de son institution fondatrice, que la République lui a ôté. Car en vérité, la France est avant tout un état ; c'est l'État qui fit la France." La France, "culte des arts, des armes, et des lois", pour reprendre la lumineuse expression de Du Bellay.
À la fin de son introduction, il écrit : "la France ne reviendra que si elle est désirée". C'est peut-être une évidence, mais c'est aussi bien dit.
La Crise de la République
Avant de faire sa promotion, il n'est pas interdit de tailler la concurrence. Adeline commence son premier chapitre par la phrase suivante : "La République française est en crise… pourtant, elle en est à sa cinquième mouture !". Derrière ce fait présenté sur un ton un peu sarcastique, il concède cependant à la République le seul gouvernant digne de ce nom qu'elle ait eu : le Général, et donc son régime semi-présidentiel, puisque soumettant le tout-puissant président au suffrage universel, tranchant avec la présidence décorative de la IIIème république. Adeline souligne que le Général a eu, pendant un temps, plus de pouvoirs effectifs que la plupart des Rois de France, et casse une idée reçue : "même sous un régime dit de monarchie absolue, les monarques voyaient leur pouvoir tempéré par une multitude d'institutions de toutes sortes : privilèges de certaines villes et de certaines classes d'hommes, parlements provinciaux, etc.…" plus d'obstacles que sous De Gaulle. Seulement, les "héros" que se cherche toujours la République hors d'elle-même, du type Bonaparte, Mac-Mahon, ou De Gaulle, ne font jamais que sauver l'embarcation du naufrage pour un temps. De Gaulle aura régné, et bien, mais son fantasme d'être le "président de tous les Français" ne lui survivra pas. Le costume présidentiel de la Vème république, taillé à ses mesures, sera trop ample pour ses successeurs. Le problème est la fonction en elle-même, destinée à limiter l'instabilité gouvernementale, mais au final, une "figure fantomatique de roi, de roi éphémère certes, mais de roi tout de même". Au passage, on rapportera cette excellente anecdote où Adolphe Thiers, à l'été 1871, nouveau président mais pas encore nommé ainsi, se plaignit du titre de "chef du pouvoir exécutif en disant que "chef, c'est un qualificatif de cuisinier". Il fallait un titre qui avait de la gueule. Voilà ce qu'est être président : avoir de la gueule. Suffisamment pour compenser la vacuité de la République. Citons Clémenceau : "il y a deux organes inutiles : la prostate, et la présidence de la république".
Pour Adeline, la crise de l'autorité était inéluctable. Avec sa Vème république, De Gaulle a certes "raffermi la pointe de la pyramide"… mais il l'a fait dans une France où l'autorité existait encore plus ou moins partout ailleurs, à l'école, à l'église, dans la famille… Aujourd'hui, les cours sont dispensés par Lilian Thuram et des idéologues dorloteurs abhorrant la notion même de verticalité. La France a tué le père, mais pour ne rien en tirer en contrepartie.
Adeline ne crache pas sur tous les acquis des combats sociaux, notamment ceux des femmes. Mais il le fait dans un cadeau-surprise pour la République : "En se mariant en 1952 à trente-deux ans, ma mère perdait dans sa vie civile quotidienne une autonomie qu'elle avait auparavant comme personne majeure célibataire. C'était aberrant… mais c'était surtout un héritage de 1789 et de l'Empire, qui procédèrent à un retour au droit romain, contre le droit chrétien". Sa façon à lui de rappeler que les Jacobins n'étaient pas exactement des féministes…
Après la crise de l'autorité vient la crise de l'unité. Adeline critique vivement l'obsession assimilatrice de la République, qui se veut "une et indivisible" et ne tolère aucun clou qui dépasse (il prend l'exemple de la Corse pour montrer le caractère insoluble du problème), et ne sachant maintenir son unité dès que sa population se colore ostentatoirement, là où, sous un régime royal, la diversité des peuples qui forment la France ne pose aucun problème : des peuples, un roi. Il fustige pour la même raison, la fragilité structurelle et psychologique de la république, son incapacité à décentraliser, là où, sous l'Ancien Régime, c'était tout à fait possible. On ne s'entendra pas forcément avec lui, dans la mesure où l'apogée du Royaume de France s'est réalisée au pic du processus de centralisation, et certains auront peut-être du mal à se débarrasser de l'influence républicaine dans leur vision assimilatrice de la société française, ou du moins anti-multiculturelle.
Après la crise de l'unité, vient la crise de l'identité. Pour Adeline, la République a tout dévoré, remplaçant le dogme chrétien par son propre dogme, alors qu'elle se présente comme une contre-religion – gigantesque fumisterie. Sa vision de la déculturation républicaine est si virulemment négative qu'il estime les Musulmans bien plus moraux, et menant une vie bien plus riche que la plupart des Français décervelés par la République. Il rappelle que la perte de l'identité française séculaire fait l'affaire de la République, plus à l'aise sur des espaces où elle a fait, préalablement, table rase. Voilà pourquoi, selon Adeline, la République aurait accueilli avec plaisir et soutenue idéologiquement la transhumance musulmane.
En abordant la crise sociale, Adeline ne manque naturellement pas de fustiger la "civilisation de loisirs et de distractions qui détourne le peuple de ses réels motifs de colère", via la télévision en premier lieu, et le rôle de l'idéologie dans la dilution du tissu social en ce qu'au nom de sa société nouvelle, elle a remplacé les solidarités naturelles, comme la famille, par une solidarité abstraite, la fameuse "fraternité". Pour lui, la République est une coquille vide dans laquelle l'homme, anesthésié, perd son âme. Il ne cite à aucun moment le libéralisme pour une raison obscure, mais on le sent bien en arrière-plan. Anesthésie : le rôle du travail des femmes dans le fait que le chômage a perdu de sa gravité au fil des années (avant, si le patriarche perdait son boulot, c'était la fin du monde). Il flingue tout particulièrement la génération des baby-boomers, de mai 68 : "cette génération ne s'est pas renouvelée, elle a refusé de consentir aux petits sacrifices de confort qu'exige toujours le don de soi, et le don de la vie. Parvenue à la retraite, elle réclamera, de la part de la génération insuffisante de ses enfants, que ses retraites soient intégralement payées. (…) D'ailleurs, son poids électoral sera suffisant pour intimider les gouvernements en charge de ce problème." Est-ce à dire qu'il faudra attendre leur extinction (naturelle s'entend !) pour libérer totalement la France de ce mal ?
Enfin, la crise culturelle. Très attaché aux arts et lettres, Adeline ne manque pas de remarquer la décadence des premiers, suggérant, par exemple, qu'il est "des gravures du XIXème siècle que personne en France ne saurait plus réaliser", ce savoir perdu venant de la "captation des arts par l'idéologie" ; et la décadence encore plus flagrante des secondes, critiquant sévèrement la méthode global et appelant au retour de la méthode syllabique d'apprentissage du français, et rappelant qu'un bachelier d'aujourd'hui sort du lycée avec un niveau "inférieur à celui du plus petit diplôme d'antan, le certificat d'études primaires créé sous Napoléon III". On parle d'alphabétisation du peuple sous la République, mais les choses sont un peu plus nuancées que ça.
Les Préjugés républicains
Adeline continue l'attaque, mais sous un angle moins négatif : le rappel des préjugés que la République a établis et entretenus contre l'Ancien Régime. Il commence d'entrée de jeu en rappelant qu'autrefois, on ne parlait pas d'"éducation nationale", mais d'"instruction publique", et que le choix des mots n'est jamais fortuit : instruire, c'est enseigner, alors qu'éduquer, c'est former…
La noblesse – qui, précise Adeline, n'est pas une composante inévitable de la monarchie, et n'a rien à voir avec l'aristocratie, cette dernière étant une classe sociale, alors que la noblesse est un ordre. Jusqu'en 1789, l'élite n'était pas forcément liée à l'argent. L'immense majorité d'entre eux menait une vie rude et rustique. En 1789, moins de 5% des familles nobles étaient représentées dans les sphères du pouvoir ; les autres vivaient en province, et plus elles étaient antiques, donc prestigieuses, plus elles étaient pauvres. Le petit seigneur de noblesse immémoriale, la noblesse d'épée, était "issu d'une famille qui n'avait pas le droit de travailler. (…) Son statut l'obligeait à servir la société sans espoir de s'enrichir. (…) Il était voué par naissance à servir la société, dans l'armée, ou dans la magistrature." Ce n'est donc pas parce qu'on était noble qu'on avait les clés du pouvoir ; si le noble l'exerçait à un poste important de l'État, c'était grâce à ses compétences, et non à son titre. On peut trouver une qualité indéniable à cette idée d'éloigner des circuits d'argent une classe supérieure. On leur reconnaissait un statut d'élite… "en échange de quoi il leur était interdit d'exercer une activité lucrative, car leur statut les obligeait à servir la société sans espoir de s'enrichir." Sans faire l'apologie de cette classe, Adeline déplore "qu'aujourd'hui, sous la République, seul l'argent permet à un citoyen d'être 'distingué'. Sans aucun autre mérite. N'était-il pas plus vertueux, ce principe ancien qui conduisait à distinguer des hommes en-dehors des questions d'argent ?". Citons Bonaparte : "chez les peuples et les révolutions, l'aristocratie existe toujours. Détruisez-la dans la noblesse, et elle se place aussitôt dans les maisons riches et puissantes du Tiers-État." En gros, l'aristocratie ancienne vaudra toujours mieux que la cosmocratie moderne. D'aucuns invoqueraient la méritocratie comme contre-argument, ce à quoi l'on répondra certes, mais… pour cela, il faudrait que la cosmocratie ne soit pas héréditaire. Or, le népotisme prédomine dans nos sociétés. Adeline rappelle que le président américain de l'époque, George W, était "le 16ème président des USA à être un fils de la Révolution Américaine"… Bien sûr, la domination n'est pas exclusive : les self-made men existent. Mais la noblesse d'Ancien Régime n'était pas fermée, elle non plus : les anoblissement étaient nombreux, et fondés sur le mérite de l'individu. Adeline cite un dicton de la Rome antique : "il n'est pas de roi qui ne descende d'un esclave, ni d'esclave qui ne descende d'un roi". À plusieurs reprises, par le passé, des républicains fous ont suggéré de supprimer l'héritage, pour régler le problème… mais comment une pareille société pourrait-elle être juste ? La solution est de "moraliser" l'élite.
Les privilèges. Adeline démolit d'abord le préjugé selon lequel les privilèges d'Ancien Régime n'étaient réservés qu'aux Nobles, et rappelle que la nuit du 4 août 1789 a aboli "TOUS les privilèges : ceux de certaines villes, ceux de certains métiers, ceux de certaines corporations." Puis il rappelle que si les privilèges ont disparu, les AVANTAGES, eux, ont fleuri sous la République : combien y a-t-il de régimes de retraites différents, où les uns doivent cotiser au maximum, et les autres au minimum ? (…) A-t-on jamais vu un boucher bénéficier d'une retraite après quinze ans d'activité professionnelle ? Non. C'est pourtant ce qui est possible pour un militaire. Les familles entières des agents SNCF voyagent en train prix réduit, quand ce n'est pas gratuitement : qu'est-ce qui justifie ce traitement de faveur ? Qu'est-ce qui explique qu'entre un même métier dans la fonction publique et dans le secteur privé, celui exercé dans la fonction publique amène un supplément familial ? Où se trouve l'égalité sculptée sur les façades des bâtiments de la République ? On peut citer aussi la logique des cautions en cas de détention aux USA, avantage de riche institutionnalisé, si l'on veut. Adeline résume le bug en écrivant que les privilèges sont une "loi privée destinée à faciliter l'exécution de votre travail au service de la collectivité" : par exemple, les journalistes ont leur carte de presse, les médecins peuvent se garer n'importe où pour aller soigner leurs patients, etc. Alors que les avantages n'apportent rien à la collectivité.
L'égalité. Alors qu'une des incantations républicaines consiste à faire croire que la République a apporté l'égalité entre les citoyens, Adeline suggère que les inégalités n'étaient pas plus criantes sous Louis XVI qu'aujourd'hui. Exemple : "l'institution de la noblesse, cet ordre prestigieux auquel toute famille désireuse de se hisser dans la société rêvait d'accéder, empêchait par là même qu'elles continuent à s'enrichir interminablement ; un Bill Gates était, à l'époque, inimaginable." On sait comment a fini le surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, dont la chute peut être comparable à celle de Mikhail Khodorkovsky, oligarche dont le pouvoir grandissant lui vaudra d'être emprisonné par Poutine, pas exactement l'idole des démocrates libéraux. Et tiens, puisqu'on parlait de méritocratie tout à l'heure, Fouquet était, à l'origine, un roturier !
L'impôt. Adeline le nomme "plus grande fumisterie de la République". Dynamitage d'un préjugé par un simple énoncé de fait : "dans les périodes des plus lourdes taxes, l'impôt sous l'Ancien régime allait jusqu'à atteindre 10% du revenu national, se maintenant généralement au niveau de 5% ; aujourd'hui, il est à 45%" (il va sans dire que ces 10% ne signifiaient en aucun cas une quelconque pingrerie de l'État monarchique dans sa prise en charge des infrastructures – à la veille de 1789, la France, en dépit de ses difficultés économiques, était un royaume très développé sur ce plan). Mais on est en démocratie, donc il n'y a pas de problème ! De la même manière, Adeline rappelle que sous la monarchie, augmenter les impôts nécessitait la convocation des États-Généraux, alors qu'aujourd'hui, en république, le gouvernement peut les augmenter sans l'avis du peuple. Après tout, il a été élu démocratiquement, ce qui veut dire que la majorité est parfaitement d'accord avec tout ce qu'il peut faire…
On pourra toujours lui répondre qu'une imposition insuffisante a été une des causes de la chute de Louis XVI : la noblesse n'en payait pas, le clergé n'embourgeoisait, et a bourgeoisie elle-même trouvait toujours plus de moyens de casquer le minimum du minimum. Adeline le reconnait lui-même, rappelant que c'est pour ça que Louis XVI a convoqué les fameux États-Généraux. Mais cela ne légitime en aucun cas le montant de l'imposition que s'autorisent nos gouvernements prétendument représentatifs du peuple.
L'hérédité. Préjugé de taille, et principal élément dissuasif chez les patriotes séduits à l'idée d'embrasser le monarchisme. Un bon roi, ok. Mais quid d'un nul ? Si son fils est un incapable, n'est-il pas risqué de lui refiler les rênes ? Un président compétent ne vaut-il pas mieux ? Mais ça ne marche pas comme ça. Le monarque absolu par excellence, Louis XIV, n'a jamais dit "l'État, c'est moi" (au contraire, il a dit, sur son lit de mort : "je m'en vais, mais l'État demeurera toujours"). L'État est au-dessus du roi, comme la fonction. En devenant roi, l'on reçoit la légitimité du pouvoir, mais pas le pouvoir-même, et si un roi et trop incompétent pour régner, il sera remplacé en coulisses par quelqu'un d'autre. Pas de tyrannie sanglante à la Ivan le Terrible, donc. On fera bien de se rappeler le fossé qui sépare la France d'un pays comme la Russie, sur le plan des idées politiques…
Par ailleurs, contrairement à la République, "la royauté présente l'avantage d'empêcher que l'on confonde l'exercice du pouvoir avec l'autorité elle-même, l'état, la nation. Le roi demeure roi, symbole suprême (…). Tandis qu'en république, le talent de celui qui exerce le pouvoir lui permet d'investir tout le système, de le marquer de son empreinte, sans que rien de vraiment solide ne le retienne". On pense, là encore, à nos éphémères dirigeants quittant l'Élysée ou Downing Street pour aller conseiller le président de Corée du sud ou faire des conférences à cent mille euros chez les qataris. "Si le fils du roi talentueux se révélait médiocre, l'État n'irait pas à vau-l'eau pour autant. (…) L'institution monarchique est assez solide pour supporter un serviteur médiocre".
On parle souvent de ce risque de médiocrité d'un souverain héréditaire, comme si la médiocrité était impossible chez un président de la République. Le pense-t-on vraiment ? Non, simplement, on n'attend rien d'eux. Et ces salauds tirent précisément leur impunité de nos faibles attentes.
À la notion de roi souverain, la république a donc opposé la notion de peuple souverain – tellement souverain qu'il élira Adolf Hitler, mais évitons les points Godwin. "Sous une monarchie, il y a d'un côté le souverain, de l'autre, le peuple, qui, d'une manière ou d'une autre (députés, corps de métiers…), est représenté devant lui. Sous la république, comment les représentants peuvent-ils représenter le peuple devant le souverain, puisque le peuple est déjà lui-même le souverain ? Ainsi les représentants représentent-ils eux-mêmes devant eux-mêmes." Plus loin, il cite l'exemple du "mensonge d'Ulysse" au cyclope dans l'Odyssée, le fameux "mon nom est Personne", et compare ce cas de figure à la situation du peuple souverain : "Si le peuple est souverain, qui le représentera, auprès de qui ? À qui demandera-t-il des comptes ? Quand aura-t-il le droit d'estimer qu'il est lésé, puisqu'il est lui-même son souverain ?" Cette fiction républicaine du peuple souverain permet à l'oligarchie républicaine, sous le pseudonyme de "Personne", d'aveugler le peuple tout en lui faisant croire qu'il s'est aveuglé lui-même… Adeline va même jusqu'à placer le concept du totalitarisme au cœur de la république démocratique. "Privé de souverain, le peuple est privé de représentation auprès d'une autorité bien distincte de lui, aisément reconnaissable, de sorte que toutes les dérives deviennent possibles". La distance entre le quidam est l'autorité suprême est plus grande aujourd'hui que sous l'Ancien Régime, et l'on peut même parler de distance physique, a fortiori aujourd'hui, où les instances supranationales permettent à nos élus démocratiques de se défausser.
Pour avoir une idée de l'étendue du préjugé, il suffit de se renseigner un minimum sur le quotidien du château de Versailles sous l'ancien régime. Simple : il était accessible au tout-venant, qui pouvait le visiter s'il en avait envie, et moins gardé que le palais de l'Élysée aujourd'hui. Adeline concède que cela puisse paraître incroyable, et il en profite pour justement insister sur la différence d'époque, et la différence de stature entre un François 1er et un François Hollande. Comme l'a bien expliqué Jean Barbey dans son maître-livre Être roi, Versailles n'était pas seulement le palais du roi, c'était le palais de la France, des Français. En comparaison, aujourd'hui, vidé de son roi et de son utilité, il est devenu un musée vide dont l'accès est payant au peuple (mais pas au chef d'état…).
L'absolutisme est un autre grand sujet. L'absolutisme est un néologisme inventé sous la Révolution à des fins polémiques. C'est un épouvantail destiné à diaboliser la véritable monarchie au profit d'une monarchie "sympa", la monarchie constitutionnelle dont j'ai parlé tout à l'heure, celle qui ne sert à rien, celle qui a laissé accéder au pouvoir Benito Mussolini – on arguera qu'elle n'aura pas servi à 100% à rien, puisque la présence de Victor-Emmanuel III aura fait la différence entre le fascisme italien, qui n'ira au bout de sa logique qu'à sa toute fin, et le nazisme, qui aura eu le champ libre pour faire n'importe quoi dès le départ.
On nous enseigne que la monarchie absolue est une monarchie où le roi à tous les pouvoirs. Faux. "La France monarchique était parsemée de privilèges locaux, de parlements provinciaux, de puissances morales indépendantes, de contre-pouvoirs de toutes les sortes ; le parlement de Paris avait un pouvoir énorme"… En latin, "absolvere" signifie détacher, délier. Un roi absolu était "libre des factions, libre des puissances d'argent, libre des pressions cléricales". Rappel historique : "la monarchie absolue, c'est la forme que voulut prendre l'État au moment où il lutta contre les féodalités devenues nuisibles, contre les puissants, les factions qui avaient divisé et ravagé la France à l'occasion de la Guerre de cent ans, puis des guerres de religion, puis de la Fronde des grands. (…) Simultanément, le peuple attendait de la monarchie qu'elle incarne un État fort, capable de soumettre les grands du royaume". Ce mouvement pragmatique, les Républicains l'ont transformé en idéologie, l'absolutisme. La fonction du roi est d'incarner un principe politique commun et salutaire, dans l'environnement d'une institution qui impose à tout le monde, y compris à lui-même, des valeurs de libertés civiques, d’égalité devant Dieu, et le plus possible devant la loi, enfin, de fraternité chrétienne ; autant de valeurs qui interdisent les dictateurs. La solidité des institutions a toujours été une entrave majeure aux ambitions des démagogues issus des mouvements de foule. (…) Les plus grands dictateurs n'ont été retenus par aucun lien supérieur à eux-mêmes, aucune institution supérieure."
Un des clichés de la monarchie véhiculés par la République, c'est l'association roi-dictateur. On a pourtant bien vu combien l'institution prime sur le roi. "Tout au contraire, rappelle Adeline, la chute des rois est une porte ouverte aux démagogues qui installent leur tyrannie : après Louis XVI, Robespierre, après Nicolas II, Lénine, après Guillaume II, Hitler, après l'Empereur de Chine, Mao, après Sihanouk, Pol Pot…" Pourquoi ce phénomène ? Simplement parce que "le dictateur n'est retenu par aucun lien supérieur à lui-même, aucune institution supérieure, aucune valeur plus élevée que lui-même." Mais alors, me répondra le philistin mécréant, quid du fameux "droit divin" ? C'est pas vachement supérieur, ça ?
Le droit divin est un autre préjugé, qui trimballe avec lui quelques casseroles bien lourdes. Par exemple, certains s'imaginent que les promoteurs de ce droit croyaient réellement que les Dieux avaient ouvert les cieux, et pointé du doigt leur roi. Par exemple, Madame de Staël colportera cette crétinerie, avant de se faire renvoyer à ses tapisseries par le grand Bonald. Concevoir l'homme du temps de l'Ancien Régime comme un arriéré mental se flagellant avec des orties les nuits de pleine lune aide à se convaincre. La réalité, c'est, là encore, la politique – la "real politik", osera-t-on même dire. "Le droit divin signifiait que le roi ne tient pas sa couronne du Pape, mais de la seule grâce de Dieu – d'où la célèbre formule 'par la grâce de Dieu, Roi de France'". Une façon de garantir l'indépendance du royaume face au Vatican. Par ailleurs, le droit divin a également une autre utilité : remettre le roi à sa place, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Car sans Dieu au-dessus de lui, un roi est libre de se prendre pour Dieu. J'ai cité tout à l'heure les grands dictateurs… étrangement, tous athées.
Donc, oui, le royaume de France est chrétien ; mais l'indépendance vis-à-vis de la papauté n'a aucun lien avec une quelconque déchristianisation. La séparation du spirituel et du temporel a pourtant toujours été très claire, chez nous. C'est ce qui nous différencie des Musulmans – pour le meilleur et pour le pire. Le fait que le Royaume de France ait eu une religion d'état est donc une réalité, mais il y a une différence fondamentale entre une religion d'état et une théocratie. Une théocratie nécessite une soumission du temporel au spirituel, qui n'a jamais existé en Europe. Par ailleurs, il ne faut pas oublier l'exemple du Royaume-Uni, qui est toujours, officiellement, un état de confession catholique anglicane – que quelqu'un me dise si ça se remarque quelque part –, ni celui de l'état d'Israël, où la religion est pourtant le fondement même de la citoyenneté… pas des théocraties.
"Le fait que l'Église soit reconnue comme une institution à part entière empêche le pouvoir civil d'empiéter sur ce qu'il y a de plus important dans la liberté de conscience. Au contraire, quand l'Église disparait comme institution, c'est le pouvoir politique qui la remplace", puisque toute société se fonde sur un socle spirituel, quoi que veuille nous faire croire la République. Une République qui n'est rien de moins qu'un dogme de substitution… Vladimir Volkoff a écrit : "l'Église et l'État sont deux rails parallèles qui vont dans la même direction sans jamais se croiser" ; en République, tout se croise et se recroise, cette dernière se donnant des pouvoirs d'église, et l'Église qui subsiste en étant réduite à se faire la "chambre d'écho de la morale républicaine". On parlait de "religion d'État", à l'instant… ?
Adeline arrive forcément au point qui fâche : le fait qu'au fond, le problème qu'a la République, c'est avec le Catholicisme, et rien d'autre. S'ensuit un listing dense de ce que les affreux proto-bolchéviks ont fait à notre pauvre église, qui finit sur l'athéisme officiel et obligatoire des sociétés socialistes… qui, reconnaissons-le, échoue lamentablement. Qui échoue lamentablement, mais pas sans avoir fait des dégâts…
Tous ces préjugés ont la vie dure, accentués par des idées aussi fausses que positives à l'égard de la République dont cette dernière nous nourrit plus ou moins explicitement depuis l'enfance. Le mythe selon lequel le progrès est venu avec elle en est une. Comme si l'apparition du frigo était liée à la République. Le progrès matériel ? Nullement. Le progrès social ? Adeline rappelle que le prolétariat, né sous la République, a d'abord eu comme uniques défenseurs les monarchistes, avant que les socialos ne viennent récupérer la misère ouvrière au profit du système républicain, et que la gauche s'opposera jusqu'au début du 20ème siècle au droit de vote des femmes parce qu'elle était persuadé que ces dernières voteraient royaliste… Le progrès économique, alors ? Jamais, 1789 a été un désastre, une régression dont nous ne nous sommes jamais remis, et dont ont largement profité les Anglais pour assoir leur hégémonie. Le progrès moral, peut-être ? Là, les exemples historiques indiquant l'extrême inverse ne manquent pas, ne serait-ce que les quelques cent millions de victimes des deux guerres mondiales, toutes dues au Progrès. On citera le meilleur, celui de l'échange entre le grand scientifique Lavoisier et le président du tribunal révolutionnaire Jean-Baptiste Coffinhal, une fois tombée la sentence de mort : au scientifique demandant un sursis pour pouvoir achever une expérience importante, le "président" répondra : "la République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu". Les Talibans n'auraient pas dit mieux. Adeline rappelle que le premier camp de la mort fut inventé sous la Révolution française, les pontons de Rochefort, où ont croupi plusieurs centaines de prêtres sans aucune forme de procès.
Adeline ne s'étonne pas qu'en dépit de tous ces arguments, les gens continuent de tomber dans le panneau : la propagande est trop efficace. Il écrit qu'"une église obscurantiste qui, dans la pénombre des églises romanes, un soir d'hiver rigoureux, à la lueur tremblante des bougies, enseigne que la femme n'a pas d'âme, cela frappe l'imagination". Il ajoute qu'il faut un sacré travail de réflexion pour être capable de se demander pourquoi, alors, la majorité des saints, dans les premiers temps de l'Église, sont des femmes, et pourquoi Marie, être humain réputé le plus vénérable de tous, et pourquoi… etc. Adeline se souvient que Michel Rocard, sur un plateau de télé, avait tenu des propos signifiant clairement qu'il croyait à la fable de l'Église doutait de l'existence d'une âme chez la femme . Un ministre !
Philosophes royalistes
À mi-parcours, Adeline propose un rapide passage en revue des plus grands philosophes royalistes, visant, comme il le résume, à la "création d'un prince pour incarner le principe commun et salutaire, une personne qui donne un corps à l'idée, une dynastie qui lui donne sa puissance, selon l'étymologie du mot dynastie : dynasteïa, puissance".
S'y prenant chronologiquement, il commence par ceux de la Grèce Antique, comme Hérodote (5ème siècle), dont la pensée est la plus proche de ce que parviendra à réaliser la monarchie franque, ou Platon (rappelons que le titre original de la République est Politeïa, c'est-à-dire le gouvernement de l'État), qui envisageait positivement l'émergence d'un roi – un roi-philosophe idéalisé, mais un roi quand même. Il faut savoir que le système politique athénien, présenté comme un idéal par notre propagande, était contesté par les plus grands esprits de l'époque, qui ne croyaient pas à la viabilité de la souveraineté populaire. Simplement, le roi rêvé des Grecs était soumis à l'empire suprême des lois, et non un despote oriental. Clovis incarnera, mille ans plus tard, une figure de roi conciliant la mentalité grecque et l'héritage judaïque des Chrétiens.
Il passe ensuite à Saint Thomas d'Aquin (13ème siècle), dont l'essai intitulé Du Royaume est présenté par Adeline comme un fondement de la pensée royaliste. Selon lui, la royauté est le plus naturel des régimes, s'inspirant de la logique du monde, les abeilles n'ayant qu'une seule reine, et l'univers, qu'un seul Dieu. Il s'attache cependant plus spécifiquement à la figure du roi chrétien, qui n'est qu'un homme égal à tous les hommes devant Dieu.
Quelques siècles plus tard, au 17ème, un Bossuet rappellera lui aussi les rois à l'égalité des hommes devant Dieu. "La grandeur sépare les hommes pour un peu de temps, mais une chute commune à la fin les égale à tous. Ô, rois ! Exercez donc hardiment votre puissance, car elle est divine… mais exercez-la avec humilité, car elle vous est appliquée par le dehors. Au fond, elle vous laisse faibles et mortels, elle vous laisse pécheurs, et vous charge devant Dieu d'un plus grand compte". Au passage, notons la liberté de parole dont un simple intellectuel jouissait, pourtant à l'époque du Roi-Soleil.
À la même époque, Blaise Pascal défend sa conviction royaliste par le discours purement logique. Pour lui, la légitimité du roi ne peut pas venir du fait qu'il soit exceptionnellement doué pour le pouvoir, contrairement à ce qu'envisageait Platon. Adeline cite l'exemple d'Alexandre le Grand, qui aura signé l'arrêt de mort de son empire sur son lit de mort quand, à la question de ses lieutenants "à qui donnes-tu ton empire ?", il répondra par un très vague "au plus digne", phrase dénuée de sens politique. "Rien ne permet de légitimer vraiment un chef, pas même son excellence ; il faut un processus institutionnel". En l'occurrence, la primogéniture. Choisir pour gouverner un état le premier fils d'une reine… on pourra trouver cela illogique au premier abord, ce à quoi Pascal répondra que "les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes" !
Son cadet Jean-Baptiste Vico, qui gagnerait à être plus connu, a proposé une conception assez moderne et novatrice de la monarchie à travers sa théorie des Lumières, qui prétendait que l'humanité, après avoir connu l'enfance puis l'adolescence, parvenait enfin à son âge de raison. Selon lui, le passage de l'âge des héros à l'âge des hommes induit une période transitoire, qu'il appelle la "république populaire", qui "apporterait à l'humanité des conceptions politiques et sociales destinées à fonder une société plus juste et équitable, mais serait inévitablement vouée, par le poison qu'elle s'inocule elle-même, à se corrompre, jusqu'à menacer l'existence même des États qui l'ont vue naître" (assez visionnaire, non ?). Dans cet esprit, Vico suggère l'établissement d'une "monarchie rationnelle" assemblant les qualités pérennes de la monarchie à ce que la démocratie amènerait de juste.
On arrive dans l'œil de la tempête avec le fameux Bonald, né en 1754 et mort en 1840, considéré par Adeline comme un des meilleurs, sinon le. Pour lui, il n'y a qu'un seul pouvoir : le législatif. Mais ce pouvoir, au sommet de l'État, est contrebalancé par une multitude de libertés que la monarchie garantit à tous les échelons intermédiaires, contrairement à la République. Morceaux choisis. "Quand l'État est monarchique, les municipalités sont et doivent être des États populaires. L'autorité monarchique y serait trop sentie, parce que le sujet y est trop près du pouvoir. (…) Lorsque la politique moderne a voulu transporter dans l'État le régime populaire, il a fallu donner aux maires et aux préfets une autorité despotique." Autrement dit, quand la démocratie s'installe au sommet du pouvoir, la tyrannie s'installe dans la vie quotidienne. "Il faut toujours quelque chose d'absolu dans un État, sous peine de ne pouvoir gouverner. Quand l'absolu est dans la constitution, l'administration peut être sans danger modérée, mais quand la constitution est faible, il faut que l'administration soit très forte." "Le pouvoir absolu, c'est le pouvoir indépendant des sujets ; le pouvoir arbitraire, c'est le pouvoir indépendant des lois ; et lorsque vous érigez le peuple en pouvoir, vous ne lui donnez pas un pouvoir absolu, puisqu'il est dépendant de tous les ambitieux et le jouet de tous les intrigants ; vous lui conférez nécessairement un pouvoir arbitraire, indépendant de toutes les lois, même de celles qu'il se donne à lui-même. Car un peuple, s'il faut en croire Rousseau, a toujours le droit de changer ses lois, même les meilleures, car s'il veut se faire du mal à lui-même, qui a le droit de l'en empêcher ?"
Enfin, Maurras. Vaste sujet, et inévitable, surtout ! Déjà, Adeline casse nombre d'idées reçues à son sujet, rappelant que nombre de thèmes que l'on croit aujourd'hui maurrassiens sont en fait bonaldiens, comme "la monarchie en haut et la démocratie en bas", ou encore sa "démocratie religieuse" ; et que l'image qu'on a de lui du premier royaliste en rupture avec la vision politico-religieuse de la monarchie française (en raison de son agnosticisme) est erronée, puisque raisonner la monarchie est bien ce que la philosophie a toujours fait. Son originalité est avant tout d'avoir su récupérer le nationalisme ambiant au profit de la thèse monarchiste, gagnant à son fameux "nationalisme intégral" nombre d'hommes qui, sans cela, n'aurait été que nationalistes. Le problème est que la chose se retournera contre la cause royaliste lorsque Maurras, intrinsèquement lié à l'Action Française, se déclarera dans son journal partisan du vichysme. C'est à cause de lui, notamment, que l'on associe les royalistes aux fameuses heures les plus sombres de notre histoire ! Adeline évoque l'ostracisme dans lequel le maintiennent les maurrassiens depuis qu'il a osé émettre quelques critiques à son égard, se demandant si ces gens ne seraient pas "plus maurrassiens que royalistes"… Dans tous les cas, Adeline semble établir une distinction claire entre le royalisme "pur" et l'association royalisme-nationalisme de Maurras.
Chaque penseur royaliste adhère à une des trois théories de la légitimité du pouvoir royal. La première est la théorie mystique du droit divin des rois, qui considère que l'autorité est conférée au roi par une intervention de Dieu. La seconde est la théorie de la désignation, disposant que le corps social désigne comme son chef celui que ses dons naturels et les circonstances, donc somme toute la providence déclarent digne de l'être. On n'est pas loin du césarisme. La dernière est la théorie de la translation : elle fait reposer l'autorité royale sur une sorte de contrat par lequel le corps social se dessaisit de son autorité au profit du monarque. Adeline se dit translationniste : il croit que "la légitimité royale émerge d'une abdication collective au profit d'un principe commun et salutaire. Bonald niait toute idée de contrat, disant qu'"il n'y a pas de trace de contrat dans l'émergence d'une société", et que "le pouvoir y est immédiatement nécessaire." L'auteur de ces lignes serait tenté de se ranger du côté d'Adeline, pour la simple et bonne raison qu'une dynastie doit bien commencer quelque part…
Les Princes des Lis
Mais pour l'instant, essayons de faire avec la dynastie qu'on a sous la main. Dans le chapitre "Les Princes des Lis", Adeline se livre à un petit condensé de l'état de la succession dans la France d'aujourd'hui, car "une théorie royaliste a besoin de princes bien vivants" !
Actuellement, tous les princes de sang royal font rejoindre leur généalogie sur un seul ancêtre commun : Louis XIII, lui-même fils d'Henri IV, le premier roi Bourbon. Pas dans le sens où il fonda une dynastie, mais où il fut le premier roi de cette branche cadette des Capétiens à régner. On voit déjà une première complication : les Bourbons sont des Capétiens, de loin "la dynastie la plus prestigieuse et la plus antique du monde" aux côtés de celle des empereurs japonais. Pour donner une idée de sa taille, par le jeu des alliances, on peut associer les Capétiens aux Carolingiens, de sorte à ce que la famille "régnante" aujourd'hui, comme celle de Juan-Carlos a des gènes communs avec Clovis. Alors, pourquoi ne pas dire simplement "les Capétiens" ? Parce que les siècles suivants compliqueront à leur tour la situation avec la brande cadette des Bourbons nommée les Orléans, descendants du frère cadet de Louis XIV, Philippe, duc d'Orléans.
Depuis de nombreuses générations, la constante historique du royalisme français est la suivante : les Bourbons, incarnant la continuité capétienne, se subdivisent entre Bourbons et Orléans. Les Bourbon-Anjou, représentés par le prince Louis, revendiqué comme Louis XX par les Légitimistes (royalistes attachés aux souverains légitimes chassés en 1830 du trône de France en la personne de Charles X) ; et les Bourbons-Orléans, dont le chef est l'actuel Comte de Paris, revendiqué comme Henri VII. Les partisans des Orléans sont appelés "orléanistes", selon certains d'entre eux à tort car les Orléans seraient devenus les héritiers légitimes du comte de Chambord à sa mort. Historiquement, ce terme s'appliquait aux partisans du régime de Louis-Philippe Ier, contre les partisans du "comte de Chambord" (les légitimistes) ou de la famille Bonaparte (les bonapartistes).
Après la mort sans successeur du comte de Chambord, les Légitimistes seront obligés de rejoindre le camp adverse, perdant de fait leur raison d'être. Bien entendu, la situation aura cent ans pour se "recompliquer".
Les Lois Fondamentales
Cinq choses permettent de s'y retrouver plus facilement : cinq lois fondamentales qui, sans pour autant avoir été expressément formulées au Baptême de Clovis à Noël 496, déclarent juridiquement de grands principes jusque là explicites. Elles sont formulées pour nous aider à résoudre un problème inédit, et quand ce problème se renouvelle, elles sont là pour le prévenir.
La première est celle de la primogéniture masculine (dont la fameuse loi salique constitue un élargissement pour éliminer les femmes de la succession au trône). La couronne se transmet de mâle en mâle, par ordre d'aînesse, ce qui signifie que, le cas échéant, lorsqu'un roi défunt ne laisse que des filles, c'est le plus proche cousin qui succède (on parle aussi de "loi salique"). Cette loi a joué un rôle majeur dans le prestige incomparable des Capétiens : il n'y a qu'en France qu'existe une dynastie nationale de cette envergure, où jamais il ne fut question de couronner un prince étranger. La deuxième est celle de la catholicité du roi. Son nom résume tout. La troisième est dite d'indisponibilité de la couronne : personne ne peut porter la main sur elle, car elle n'appartient à personne, évitant les caprices des rois qui voudraient influer sur la succession ; par ailleurs, elle lui interdit d'abdiquer, puisque le roi ne peut céder quelque chose qui ne lui appartient pas. La quatrième est celle de "continuité de la personne royale" : le roi est mort, vive le roi, et le trône ne connait jamais de vacance. La cinquième est dite d'inaliénabilité du royaume : le roi n'est pas non plus proprio du royaume. En fait, pour qu'un territoire se détache du royaume, le principe était admis d'un consentement local ratifié par une consultation de la population concernée, auquel devait se réunir le consentement de la nation entière représentée par les États-Généraux… Vous parlez d'une autocratie.
La Réputation des Orléans
Dans l'opposition entre légitimistes et orléanistes, si l'on devait se choisir des bad guys, ils seraient à trouver chez les seconds. Première pièce à charge : l'infâme Philippe-Égalité, fils du duc Louis-Philippe d'Orléans, ennemi de Louis XIV qui avait assuré la régence dans la jeunesse de Louis XV alors que le Roi-Soleil en désirait autrement, et fils du duc Louis-Philippe d'Orléans qui avait entretenu la rivalité familiale avec la branche aînée en apportant son soutien aux parlements contre Louis XV en 1771. On voit bien la dynastie de fourbes, déjà, mais ça a atteint son acmé avec lui. Grand-Maître de la Franc-maçonnerie française, incarnation de l'esprit libéral qui soufflait dans les derniers temps de l'Ancien Régime, financeur de la campagne de calomnie à l'égard du roi et de Marie-Antoinette nourrissant l'ambition d'apparaitre comme le meilleur et plus souhaitable remplaçant de son cousin, il a commis le plus grand crime qui soit en votant la mort du Roi-martyr. Alors que la Restauration avait accepté de pardonner ce crime en accueillant dans la famille royale son fils, Louis-Philippe, ce dernier la trahira une nouvelle fois en usurpant le trône en 1830, installant une caricature de monarchie autour de son image de roi-bourgeois ou roi-citoyen. L'infâme roi usurpateur, étendard de la posture libérale orléaniste, n'avait de libéral que son régime républicain et laïque. La France sous son règne n'était pas le pays des libertés ; au contraire, ce dernier serait particulièrement répressif, au nom de sa vision "moderniste" des choses.
Au passage, une énorme pièce à charge contre ce roi se nomme l'Algérie française. Refusant toute démarche évangélisatrice dans l'affaire au nom de sa laïcité fanatique, il prépara à l'avance l'impossibilité de la fusion de ce territoire avec sa métropole. La Guerre d'Algérie au XXème siècle était inscrite en creux dans la Monarchie de Juillet.
On comprend la méfiance des légitimistes envers son fils le Comte de Paris, auquel ils devront se rallier malgré eux après la mort du Comte de Chambord. Il s'efforcera de soigner l'image de son camp en reprenant une politique royaliste active qui avait souffert de la division dynastique. Las!, orsqu'en 1885, le nombre de députés royalistes passera de 90 à 200, la gauche républicaine, aux abois, profitera de leurs divisions et du faste trop ostentatoire des fiançailles de sa fille pour crier à la menace de l'Ancien Régime, et faire passer en force la fameuse "loi d'exil" interdisant aux familles ayant régné sur la France de vivre sur son territoire… problème clos.
Son successeur Philippe VIII, duc d'Orléans de 1869 à 1926, redorera le blason de son clan auprès des milieux nationalistes gonflés à bloc lorsqu'il prendra parti contre l'officier Dreyfus, et se liera d'amitié avec le jeune Maurras, qu'il confortera dans ses affinités avec le royalisme. Lui qui effacera tout ce que l'orléanisme avait de libéral en s'associant à l'idée du coup de force maurrassien. Le maurrassisme anéantira d'ailleurs la dichotomie légitimisme/orléanisme, déjà mal en point depuis la mort du comte de Chambord. Mais le problème est que le maurrassisme ne mènera nulle part.
Le successeur de Philippe VIII, le fameux comte de Paris dégénéré Henri VI, prendra ses distances d'avec ce courant en voyant que l'Action Française tenait tout au plus le pavé du Quartier Latin à Paris grâce à ses chahuts d'étudiants et ses échauffourées sans lendemain (Adeline rappelle que les maurrassiens étaient avant tout des bourgeois et révolutionnaires de salon… tout en concédant qu'il est difficile d'éviter cet embourgeoisement quand la compréhension du message maurrassien nécessitait un niveau d'éducation assez élevé). Il coupera définitivement les ponts après la condamnation pontificale de l'AF par Pie XI (on adore cette Église qui n'aura cessé de prendre la République pour sa meilleure amie). Notre cher Comte, pas encore fou, retrouvera espoir à l'arrivée de De Gaulle au pouvoir en 1958, voyant dans la Vème république une sorte d'équivalent républicain de la monarchie absolue. De Gaulle ne cachait pas qu'il était sensible à l'idée de la monarchie. Peyrefitte rapportera d'ailleurs ce qu'il lui dit au sujet du Comte : "Je l'ai couvert d'égards parce qu'il récapitule dans sa personne les quarante rois qui ont fait la France". Hélas, son respect à l'égard du Comte s'étiolera au fil des années, au point qu'il refusera au Prince la simple présidence de la Croix-Rouge en ajoutant : "le comte de Paris ? Pourquoi pas la reine des Gitans !" À partir de là, plus rien n'ira, et s'amorcera la vraie déchéance du Comte, que les déceptions successives transformeront en un "véritable psychopathe" qui dilapidera sa fortune.
Cette mauvaise publicité aidera à l'émergence d'un courant néo-légitimiste qui se reposera sur le charismatique Alphonse de Bourbon, antithèse totale du comte fou portant en lui un projet monarchique authentique. Avec lui reviendra en force la querelle dynastique, dont les tenants seront moins sincères que politiques, Alphonse incarnant un candidat crédible dont le royalisme devait profiter. Sa mort dans un accident de ski en 1989 leur donnera un violent coup de bambou. Mais ce dernier faisait partie des fameux Bourbon-Anjou ; vous savez, ceux qui régnaient en Espagne depuis trois siècles… posant de fait un problème de faisabilité.
Une Perspective faussée
Adeline reconnait le problème fondamental que pose le cas Louis XX. Ce dernier est, sans conteste, l'aîné de tous les capétiens, la loi successorale française l'indique clairement. Mais cette dernière a-t-elle envisagé le cas de figure où le successeur serait un prince issu d'une branche devenue étrangère à la France depuis deux siècles ? Les néo-légitimistes récusent l'idée qu'un prince de Bourbon, où qu'il vive dans le monde, puisse être un étranger. Il a les gènes ? Il est de la maison.
Ou pas, en fait. Parce que tout descendant d'une dynastie française qu'il est, ce cher Louis descend d'une famille installée en Espagne depuis Philippe V, en 1700. Il est né à Madrid, y a passé toute son enfance et fait ses études, et semble passer bien plus de temps entre New York et Miami qu'entre Bézier et Charleroi. Non, il n'est pas de la maison. Les orléanistes, qui se sont eux aussi réveillés en réaction à l'émergence des néo-légitimistes, invoquent en réponse le "vice de pérégrinité" reposant sur une loi ancienne qui disposait que tout Français passé à l'étranger et n'étant plus assujetti au roi de France perdait par cela même sa nationalité et ses droits en France, comprenant ses droits d'héritage – en gros, un ancêtre de "la France, tu l'aimes ou tu la quittes". N'est-ce pas le plus logique ?
Adeline s'arrête sur l'actuel prince Jean d'Orléans, qui est, lui, "de la maison". C'est un cadet dont le rang de succession est théoriquement assez lointain, et qu'aucune loi ancienne ne désigne comme le successeur légitime des rois de France… mais il vit en France et sa famille n'a jamais cessé d'être associée à l'histoire de France. Et dans un monde où les princesses épousent des sportifs, c'est déjà ça. Car il faut, avant tout, être réaliste. "Le légitimisme d'aujourd'hui, écrit Adeline, ne peut avoir de sens que par le biais d'une action politique, et non pas par les seules grâces de l'ainesse généalogique". La politique, donc.
Constatant que la doctrine maurrassienne a oblitéré toutes les autres dans la pensée royaliste ces cent dernières années, Adeline estime qu'il est temps de renouveler cette pensée.
La Force des choses
Renouveler la pensée royaliste pour porter le combat politique… mais avec quelles forces ? Qui sont les royalistes ? Adeline passe déjà en revue les mauvaises catégories, celles qui ne nous seront d'aucune utilité. Les millénaristes, qui attendent patiemment qu'un cataclysme foute en l'air ce monde pourri, et les messianistes, qui compte sur l'apparition, tôt ou tard, d'un prince de sang royal, encore inconnu, qui triomphera des hordes républicaines et rétablira la monarchie. Deux genres de vrais frappadingues. Les "faux" royalistes, qui veulent un roi, mais se plaindraient d'avoir à lui obéir si ce dernier se concrétisait et avait des opinions différentes des leurs, et les arrivistes qui rêveraient de profiter de la monarchie pour finir anoblis. Deux genres auxquels tout militant royaliste doit être sûr qu'il n'appartient pas. Et ne parlons pas des déséquilibrés, tout courant minoritaire en a un lot. De toute évidence, si l'on veut mener un combat politique efficace, il est conseillé d'appartenir à la première catégorie. Pour cela, savoir se mouvoir dans ces eaux de propagande constante, tout en en reconnaissant chacun des rouages. Une fois finie cette énumération, Adeline prend bien garde de rappeler que les catégories susmentionnées ne représentent pas la majorité des royalistes – du moins l'espère-t-il.
On a suffisamment insisté sur l'opposition dynastique entre les Légitimistes et les Orléanistes, principaux acteurs de ce feuilleton grotesque. Adeline ajoute au mix les "Indifférents", qui estiment que la couronne sera ceinte par le plus capable, et qui se moquent bien de savoir qui est désigné aujourd'hui selon une règle successorale en congé depuis deux siècles. Les Indifférents ne répugnent pas à l'idée d'une nouvelle dynastie au besoin. Certains jugent même que les Capétiens ont démérité de la monarchie française, puisqu'ils se sont plantés au bout du compte. Puis Adeline aborde les divisions doctrinales. Sur ce plan, on peut répartir les royalistes en trois blocs : les monarchistes autoritaires, héritiers de Maurras, partisans du nationalisme, et qui se regroupent principalement dans l'Action Française ; les royalistes constitutionnels et libéraux, qu'on retrouve à la Nouvelle Action Royaliste, mouvement favorable à… la gauche ; et les royalistes institutionnels, qui s'en tiennent à une conception plus authentique de la monarchie française, et qui sont un moyen terme entre les deux premières tendances.
Une fois choisie sa branche, il faut décider de ce qu'on en fait. La première question est : action ou non ? Parmi les royalistes d'action, nombre sont, hélas, ceux qui privilégient l'action métapolitique : livres, journaux, conférences. Adeline y pose un sévère bémol : les moyens métapolitiques dont disposent les royalistes sont dérisoires. Par exemple, le bimensuel de l'AF n'est plus que l'ombre du quotidien jadis géré par Maurras, et l'hebdo Légitimiste se vent uniquement par correspondance, et compte 1500 abonnés… alors que ce sont, de loin, les deux publications les plus importantes du courant. À part ça, aucune radio, aucune télévision, rien. Et, avance Adeline, "ces moyens coûteux ne leur seront jamais offerts tant qu'ils ne se résoudront pas à entrer dans la véritable action politique. Comment pourraient-ils convaincre des financeurs de les aider à mettre ces moyens en place, s'ils persistent à se contenter de prendre des attitudes renfrognées de critiques stériles du régime ?"… On l'a compris, l'action politique est, pour lui, la seule voie possible. La seule, car la seule constructive, dont la dynamique trouve un écho dans notre sinistre présent. "Il y a trop de gens qui conçoivent la politique seulement comme une opposition à ce qui les entoure, à ce qui leur déplait. (…) Leur opposition au système politique les maintient dans une attitude renfrognée et attentiste."
Pour Adeline, la restauration, si elle se produit, ne passera pas tant par le camp royaliste, trop "éparpillé en groupuscules figés dans leurs certitudes et enterrés sous leurs rêves", que par le patriote "standard". Adeline loue le potentiel de compatriotes qui seraient prêts à entendre le discours royaliste, ceux qui n'ont jamais milité, et n'ont donc pas du sujet une conception idéologique précise, y voyant de fait, avant tout, l'intérêt institutionnel et national.
Il finit par ces mots : "Réaliste, je prends garde à ne pas dépenser mes forces en vain. Obstiné, je continue ma route, jamais las d'aimer ce pays qui, par son seul nom, m'honore ; jamais las d'aimer ce peuple auquel j'appartiens. Peuple déroutant, inattendu comme un volcan d'Auvergne qui se réveillerait ; peuple médiocre qui se méprise lui-même, peuple qui déçoit toujours mais qui triomphe à Bouvines, à Patay, à La Marne, et on ne sait jamais vraiment comment ; peuple pour qui le Ciel lui-même s'est ouvert, et l'on n'a jamais su pourquoi. Peuple indigne de sa grandeur, et sans qui, pourtant, rien de grand n'a jamais pu se faire. Peuple incompréhensible. Pour lui, j'avance dans le noir, conscient que le destin peut m'y perdre, mais trop désireux d'y être, si la lumière jaillissait soudain".
Pour le SOCLE
- Le royalisme d'aujourd'hui ne peut avoir de sens que par le biais d'une action politique, seule action en phase avec la réalité de nos sociétés modernes.
- Quitte à choisir une monarchie, autant choisir la seule qui ait un réel sens : la monarchie absolue (dont le Roi est libre des forces d'influence et des groupes de pression) ; de droit divin (où la royauté est indépendante de la papauté) ; et héréditaire (pour l'attachement inaliénable du souverain à son peuple).
- Dans le cadre d'une monarchie, l'État doit être au-dessus du Roi.
- La primogéniture doit être loi.
- Le rétablissement de la France devra d'abord se faire à l'échelle institutionnelle – donc, nationale.
- Il est impératif de sortir de la Vème république, taillée trop exclusivement pour le Général de Gaulle.
- Il ne serait pas inopportun d'envisager le bien-fondé d'une élite éloignée des circuits d'argent.
- Une société de privilèges n'est pas fondamentalement mauvaise, tant que ceux qui en profitent le font exclusivement dans le cadre de leur devoir envers la communauté.
- Lorsqu'un peuple est dit "souverain", il ne peut, par définition, demander de compte à rendre à personne, générant ainsi une crise de représentation, mais aussi de responsabilité.
- Dans notre système, l'Église doit rester une institution forte, car dans le cas contraire, la République exploite notre besoin naturel de spirituel pour établir une religion d'état.
- Dans la querelle dynastique (de clocher ?) qui oppose les royalistes contemporains, les orléanistes promeuvent un prétendant (Jean d'Orléans) dont la famille a un lourd passif de régicide et d'usurpation de trône, mais les légitimistes, dont Adeline fait partie, promeuvent, eux, un prétendant (Louis XX) dont la famille est établie depuis deux siècles. Alors… une troisième voie ?